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1946 Terrace le 4/03/1946 Mes bien chers vous deux , J’aurais tant voulu vous écrire plutôt, vous allez finir par croire que je vous oublie tout à fait, mais non, vous savez bien que malgré le silence de ma plume, je n’ai cessé de penser à vous deux, à vous qui êtes et serez toujours mes plus chères affections, et si parfois mes occupations m’empêchent de vous écrire, ma pensée trouve toujours moyen de s’échapper vers vous. J’ai écrit deux fois à Marie – vous n’en serez pas jaloux– elle est toute seule, et je sais que d’avoir échoué de nouveau à ses derniers examens a été pour elle une grande déception. Puis, ma dernière lettre sera aussi pour vous. Je raconte l’histoire de notre évacuation dont , jusqu’à maintenant, je ne vous avais guère parlé, et ainsi vous ne serez pas aussi longtemps sans me lire. Vous verrez combien la Divine Providence prend soin de ses Missionnaires. Tout le long du voyage, les Américains ont agis en vrais gentlemen, et ont été très bons pour nous. En effet, à part les trois ou quatre premiers jours, où la sirène d’alerte se faisait soudain entendre son son lugubre et effrayant.. Le voyage eut été plutôt agréable, n’eussent été les circonstances . Et malgré cela, il y a toujours un peu de comique. Aux Hébrides , le bateau s’arrêta toute une journée, et, comme nos Sœurs ont une Station tout près, nous aurions aimé aller les voir, mais impossible de descendre, nous dûmes nous contenter de rester sur le pont. C’était intéressant, tout ce mouvement, les bateaux grands et petits, allant et venant sur la mer.. et le grand Aircraft d’ou s’envolaient l’un après l’autre, les avions, D’autres, après une tournée, revenaient doucement, se poser sur l’immense bâtiment., Et comme je voulais faire part de mon admiration à Sœur Marie Brigitte, je me retourne disant : « regardez c’est merveilleux » Voilà que je me trouve nez à nez avec quelqu’un qui te ressemblait tout à fait Tanis (à moins que ça ne soit une idée à moi, ou mon imagination) Monsieur le Commandor , la main tendue, disant : « please to Meet you » « je suis heureux de faire votre connaissance » mais les autres, les Pères, n'étaient pas loin, et je ne fut pas longtemps embarrassée… Une chose drôle: les premiers jours : quelqu’un venait toujours nous chercher au moment des repas pour nous conduire à la salle à manger, mais il fallait descendre un escalier, un peu sombre, ce qui faisait le désespoir de Sœur Marie Antonia, et son air effrayé, avant de s’engager était comique, et me faisait toujours rire. Pour l’encourager, je marchais pourtant en tête avec le type qui nous conduisait (un enseigne de vaisseau, paraît-il) qui bavardait comme une vieille connaissance, mais le plus amusant, c’est qu’en prenant un air intéressé, je ne comprenais pas la moitié de ce qu’il racontait . Il ne paraissait pas s’en douter du tout, mais il me faudrait une longue causette pour tout vous raconter. Votre dernière lettre m’est arrivée le jour de Noël en même temps qu’une de Marcelle, les deux datées de novembre . Depuis tout ce temps que devenez-vous ? Il me tarde d’avoir de vos nouvelles, de savoir si le projet que vous aviez formé pour Marcelle a réussi et s’ils sont déjà installés à Saint Lumine, J’en serais si heureuse pour vous. Marcelle vous aime bien et son mari est, paraît-il, un bon garçon. J’ai sans doute une lettre ou des lettres en route , qui me parleront de l’événement, de son mariage. Est-ce que Jean, le neveu, vous a déjà conduit à Angers ? Marie serait contente de vous voir, toi surtout Tanis qu’elle n’avait pas vu la dernière fois à Nantes. Vous devez souvent avoir des visites avec toutes tes fonctions Tanis, et cela doit même être un peu ennuyeux pour vous deux parfois. Mais tu rends service. Bientôt il te faudra accepter d’être tout à fait Monsieur le maire, mais je ne sais pas si Drienne en serait bien charmée. Elle devrait pourtant en être fière. Est-ce que tu n’es pas payé du tout pour toutes ces affaires ? …Et vous avez encore trois vaches. Cela doit bien t’occuper Drienne, à louer vos terres, cela vous rapportera aussi. Pouvez-vous trouver quelqu’un pour vous aider lorsque vous avez besoin ? Pas de chance pour les vignes, Marie me parlait d’une bouteille de bon vin que vous lui aviez envoyé et avec laquelle elle s’était régalée. Avez-vous eu votre Mission ? Et est-ce que le Prédicateur était très intéressant ? Vous n’en aviez pas eu depuis longtemps sans doute.Vous ne me parlez pas de Monsieur Levesque. Ne le voyez-vous pas quelques fois ? Où est-il ? J’aimerais lui écrire, mais je ne sais pas son adresse. Lorsque vous m'écrirez, voudriez-vous me l’envoyer. Est-ce que votre nouveau curé vous visite souvent ? L’hiver s’achève « chez nous » j’espère que vous n’avez pas attrapé de trop gros rhume, avez-vous fait un peu la veillée ? Pas bien longtemps sans doute et lorsqu’il fait si froid. Le mieux est en effet de se mettre au lit de bonne heure. Je vous donne de bons conseils n’est-ce pas !!! Ici, au contraire, puisque nous sommes aux antipodes. Nous venons d’avoir une période de grandes chaleurs, aux dires des Nouveaux- Zélandais mais, pour nous qui sommes habitués aux Salomon, c’était seulement très bien ainsi . Juste ce qu’il faut, pour éviter une trop brusque transition avec les Salomon. Vous devez me croire déjà. Je vous en parle depuis si longtemps, mais ce sera encore de Nouvelle-Zélande que vous recevrez cette lettre, car malgré notre hâte de partir, il nous a fallu attendre jusqu’à maintenant pour avoir des places. Cependant, cette fois, c’est définitif, nous partirons le 16. Ce sera donc bientôt . Un moment, nous avions pensé partir en avion, c’eut été plus rapide , mais c’est changé, et ce sera par bateau. Comment vont les choses en France ? Voilà plusieurs mois que nous n’avons pour ainsi dire aucune nouvelle. Nous avons appris la démission de De Gaulle. Pauvre France ! Ce sont tous ces communistes qui causent le trouble et le désordre. Et dire que l’on parle encore de guerre. Espérons que le bon Dieu aura pitié de notre pauvre Europe, et ne l’abandonnera pas. Il y a tant de misère déjà ! Tant de malheureux qui souffrent de la faim !… Vous ne me dites rien, mais vous devez aussi manquer de bien des choses. Hier, premier dimanche du mois, nous avons eu le Saint-Sacrement exposé toute la journée. Vous pensez bien que je n’ai point oublié de parler de vous au Bon Dieu. C’est qu’en effet je ne peux guère prier sans lui parler de vous. Chaque matin à la Sainte Messe et bien souvent dans la journée, je prononce vos noms de chacun de vous. Je crois que cette fois-ci je peux vous dire au revoir… aux Salomon. Dites à Marcelle , si elle est à Saint Lumine, que je la remercie pour sa lettre et que j’attends de leurs nouvelles. J’aurais voulu lui écrire mais, j’écrirai dès que cela me sera possible, la prochaine fois ce sera au Pey . En attendant, vous voudrez bien leur passer de mes nouvelles et leur dire que je ne les oublie pas . Ils deviennent de plus en plus paresseux on dirait, heureusement que je les aime sans cela je pourrais les croire bien indifférents . Heureusement il y a Marcelle. De Marie, sa lettre datant de fin novembre, il lui faut se remettre à piocher les bouquins. A une autre fois ma chère sœurette , mon cher grand frère. Écrivez-moi et racontez-moi ce que vous faites, il n’y a que moi qui lise vos lettres. Je vous reste toujours unie de cœur et de prière . Lisez entre les lignes toute l’affection que je ne saurais exprimer ! Je vous embrasse bien, tous deux ,comme je vous aime. Georgette Ne vous inquiétez pas, si vous êtes plus longtemps sans recevoir de mes nouvelles, pour moi n’importe où je serai, je penserai à vous et prierai pour vous. Dieu merci, tu es maintenant à peu près bien cher Tanis , et j’en remercie le bon Dieu tout en continuant de prier pour toi pour tous deux . Votre sœurette. Vous pourrez adresser ainsi : Sœur Marie de Loyola catholic mission ,avuavu . Guadalcanal. British, South, Salomon Islands Guadalcanal lunga le 12/04/1946 Mes biens chers Marie P. Manuel et toute la famille , Bonjour … Enfin, nous voici aux Salomon… au port. Et mon premier petit moment de liberté, je viens le passer avec vous , et vous raconter un peu notre voyage . Nous n’avons quitté la Nouvelle Zélande que le vingt-trois . Il nous a fallu attendre bien longtemps pour réussir à avoir des places . Les voyages sont encore compliqués et difficiles . Misères d’après guerre . Nous avons fait une bonne traversée , la mer fut assez bonne presque tout le long du voyage , cependant , comme je suis très mauvais marin, j’eus quand même plusieurs fois le mal de mer . Et je vous assure que c’est détestable , et encore… j’étais taquinée, par- dessus le marché : le Capitaine me disait que je lui faisais honte!! honte à son bateau !! Mais il fût quand même assez gentil , me sachant Française , de m’offrir une bonne bouteille de vin , pour chasser le mal de mer . Ce qui était bien appréciable , n’est ce pas. Les autres passagers étaient aussi très aimables . Nous avions aussi cinq Prêtres à bord, cinq Pères Maristes comme nous, retournant aux Salomon, nous n’étions pas en mauvaise compagnie, voyez-vous . Notre voyage dura onze jours , avec trois jours d’escale.. la dernière à Nouméa, capitale de la Nouvelle Calédonie où flotte notre drapeau Français . Nous nous sentions un peu chez nous comme un petit coin de France , et trouvions même un peu drôle en sortant du bateau , d’entendre partout parler Français , même les Indigènes Calédoniens, puisque c’est Colonie Française . Nous avons vu le Père Noblet, beau-frère du Docteur Aubry de chez nous , puis comme nos Soeurs tiennent la clinique de Nouméa, nous passâmes les quelques heures dont nous pouvions disposer avec elles, puis le Docteur fut assez aimable de nous prêter sa voiture pour nous reconduire au bateau . Encore quatre jours et nous arrivions à Guadalcanal , et dans la soirée , le bateau entrait au port de Lunga . Les Pères s’occupèrent des bagages, tandis qu'un Monsieur en uniforme, nous fît monter dans son auto, et au bout d’un quart d’heure, nous étions au camp où nous sommes encore , et d’où je vous écris aujourd’hui. A notre arrivée , nous eurent la bonne surprise de trouver le bon Seigneur, et notre Supérieure régionale , une Nantaise que j’aime bien . Nous voici donc de nouveau sur ces lieux, que trois ans auparavant, fuyant sur un de ces immenses bateaux de guerre et qui ont été le théâtre des plus terribles batailles. Cette mer , combien de corps ne renferme-t-elle pas. Le pays est aussi bien changé que lorsque nous l’avons quitté. Les Américains ont bâti des routes et des ponts un peu partout, du moins là où ils avaient leurs quartiers. Et les grands camions et camionnettes roulent maintenant presque toute la journée. Nos grands garçons Indigènes paraissent tout à fait familiarisés avec toutes ces voitures et machines, ils s'installent au volant comme des chauffeurs de première classe. Le premier soir de notre arrivée, nous nous installâmes un peu : à la guerre, comme à la guerre… ce ne sont pas les bâtiments qui manquent pour nous abriter. Nous avons presque toutes les tentes des soldats avec leurs lits, draps, couvertures, et maintenant il ne reste que les troupes d’occupation. Les Américains ont tout laissé à la disposition des Missionnaires, avec tous les bâtiments .;;; ils aideront beaucoup pour les reconstructions des Stations, seulement le difficile est le transport. Pour le moment, nous sommes ici une grande famille : Monseigneur , huit Prêtres, deux Frères Coadjuteurs et 7 Sœurs . Combien de temps faudra-t-il rester ici ? Nous n’en savons rien encore, Monseigneur, n’ayant pas encore de bateau, nous sommes à la merci des autres, et pourtant chacun a bien hâte de rentrer dans sa Station. C’est ici que dès le soir de mon arrivée, Monseigneur, m'a remis ta lettre, Marie P, datée du 27 janvier, la première, et je commençais à penser mal de toi. Heureusement, que je vous connais l’un et l’autre…. Tout de même j’étais bien contente qu’elle m'ait devancé et de vous trouver tout de suite aux Salomon. C’est une bonne idée de l’avoir adressée là-bas. Tu me donnes beaucoup de nouvelles mais, une surtout me cause un immense plaisir celle de savoir que Marcelle et Jean vont pouvoir s’installer près de Drienne et de Tanis . Et j’en suis si heureuse pour eux et pour vous tous. Vous serez alors tous en famille n’est-ce pas. Le bon Dieu est bon d’avoir si bien arrangé tout cela. Il me tardait d’avoir des nouvelles de ce grand jour , qui a dû être un jour de joie, mais aussi de grand train-train. Il faut du temps, des préparatifs.. C’est dommage qu’il faisait si mauvais temps. C’était une messe de première classe j’imagine. Tu as oublié de me le dire, et elle est sans doute la première de la famille que Bèbert marie. Vous aviez un grand banquet, c’est une bonne idée de Tanis , d’inviter ses amis de saint Lumine , surtout qu’ils vont habiter là. Vous me raconterez comment vous avez fait arranger la maison.Sont-ils chics ces mariés de s’être payer un voyage à la capitale. Paris n’a pas trop souffert des bombardements ? Je suis contente qu’ils soient allés voir Marie. Je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis novembre. Elle travaille tant avec ses études.Dites une prière pour qu’elle réussisse à ses prochains examens. Dire que je n’ai pas encore reçu un mot de Manuelo. Je commence à croire que sa petite tante ne l’intéresse guère. Et pourtant, il me doit une réponse, et je suis déçue de son silence. Dites-lui bien. Alors Marie- Georgette me ressemble. J’en suis très flattée. Dites- lui de bien prier pour sa petite Tante, surtout le jour de sa première communion. Il faudra qu’elle m’écrive pour me dire si elle est contente de la petite croix que je lui ai envoyée et de la carte image. Je dois m’arrêter. Vous voudrez bien donner de mes nouvelles à Marie, à Drienne , à Tanis , ne vous inquiétez pas si vous êtes assez longtemps sans recevoir de mes nouvelles d’ Avuavu. Je ne sais pas si nous aurons des bateaux pour envoyer nos lettres. En tout cas, je les manquerai pas. J’aimerais pouvoir répondre à Jeanne de la Martinière mais hélas le temps me manque. Dites-leur que je les remercie bien pour les photos et qu'elles m’ont fait grand plaisir . Dites-leur que je ne les oublie pas tous, Marie Voisine aussi, pauvre Joseph ! Non, je n’avais pas su , tante Henriette a du avoir de la peine. Tu me parles de toute la famille, mais tu as oublié Henriette. Elle doit être avec tante. Bonjour affectueux à tous, à tonton Alfred, Feydeau, Monique, Au revoir et à je ne sais quand en tout cas, dès que je le pourrai et chaque jour je pense à vous tous, et prie pour vous. Je vous embrasse bien comme je vous aime. Georgette Avuavu le 6/07/1946 Mes bien chers tous deux , Moi qui pensais venir vous dire au moins un petit bonjour dès que j’aurais été de retour à mon poste !… Après avoir écrit à Marie, je me disais que dans quelques jours, j’écrirai aussi à Drienne et Tanis . Puis les semaines sont passées, vous ne m’en voulez pas n’est-ce pas !!!… Vous savez bien , je vous le dis souvent, je n’écris pas aussi souvent que je le désire. Vous n’êtes pas pour cela, absents de ma pensée, et il n’est pas non plus un seul jour, sans que vos noms soient dans mes prières. Seulement, vous pouvez deviner combien depuis notre arrivée, nous avons eu et nous avons encore à faire pour tout remettre en ordre. Et encore nous n’avons pas trouvé la Station en aussi mauvais état qu'à Ruavatu par exemple . Les soldats ni ont pas stationné aussi longtemps . Et puis le Père Albert de They qui est maintenant supérieur à la place du Père Boudart ( un vieux Père Breton) était depuis cinq mois avant nous. et avait déjà fait beaucoup, et mis un peu de vie à la Station. Le premier dimanche de notre arrivée, nos Indigènes nous ont fait une grande réception. Tout le monde s’est réuni devant notre maison après la messe . Sachant les préparations , j’étais quand même retournée à la sacristie pour ranger les ornements et toute chose. Mais alors , voilà trois ou quatre de mes anciennes petites écolières qui viennent m’aider , viens vite, on t’attend pour les chants. Le Père et nous deux : Sœur Antonia et moi nous installèrent sur nos chaises. La séance commença : d’abord des chants pour dire leur joie de notre retour parmi eux. Puis, des danses, leurs danses Indigènes, dont certaines sont très gracieuses, mais tout cela se perd, ils ne dansent maintenant que très rarement, pour de grandes occasions. Pour le reste ils n’ont pas beaucoup changé, ils ne sont guère plus riches non plus. Pourtant ils ont gagnés pas mal de dollars avec les Américains, mais ils ne savent pas dépenser, utilement, acheter quelques habits, dont ils prennent peu soin et des bagatelles. Tout le monde avait l’air joyeux. Nos petites écolières viennent aider à balayer et nettoyer l’église. Mais , ces gamins si je les laisse seuls longtemps, je crois que je n’aurai guère de travail de fait. Avez-vous des nouvelles de Marie ? Je me demande ce qu’elle devient, sa dernière lettre était datée de novembre elle aussi. J’aurais aimé écrire à Monsieur Levesque mais , je ne sais pas son adresse. Vous ne m’en parlez pas. Ne le voyez-vous pas quelques fois ?Tout le monde avait l’air joyeux sur la photo, depuis vous avez dû faire beaucoup de déménagements et d'aménagements. Marcelle et son mari sont sans doute installés dans votre maison maintenant, cela a dû vous coûter à vous j’en suis sûre, de quitter… Comment vous trouvez-vous dans la petite maison de la tante Betuzeau ? Je ne me souviens pas bien où elle se trouve, du côté de la route du Marais je crois. Vous me raconterez cela. Maintenant vous devez être très occupés. Est-ce que le filleul ne va pas venir vous aider pendant ses vacances et il y a Jean, mais il n’est guère habile. Avuavu le 30/07/1946 Ma bien chère Marcelle , Les moments de liberté pour la correspondance sont toujours bien courts, il faut les saisir au vol. Et c’est ce que je fais en ce moment, car depuis bien des semaines, je voulais te remercier pour ta bonne longue lettre que j’ai reçue environ trois semaines après mon arrivée aux Salomon. C’était bon d’avoir vos visites, de vous retrouver si peu de temps, après mon retour dans ma Mission. J’avais déjà eu la lettre de ta maman a Lunga. Oui , merci, ma chère Marcelle de me donner tous ces petits détails. Ce sont souvent ces petits riens qui en disent le plus long et qui intéressent davantage d’ailleurs, tout ce qui est de vous est toujours d’un plus grand intérêt pour moi. J’ai lu et relu ta lettre, et ris toute seule, en lisant, certains passages, par exemple, l’histoire du bon chocolat, et tonton Tanis qui était servi comme les Mariés!!! Quel gâté ! N’est-ce pas ! Tu me racontes si bien les choses, qu’il me semble que j’ai été faire une tournée « chez nous » pour la noce, et que j’ai vu tout cela. C’était quelque chose de bien bon à faire, d’arranger des chambres là- haut. J’ai longtemps rêvé cela autrefois lorsque j’étais à la maison. Papa vous a fait un beau cadeau, cela doit faire une jolie petite chambre… Vous vous êtes payé un chic voyage de noces, je suis sûre que vous avez dû jouir des beautés de la capitale. Des mois se sont passés déjà, depuis l’envoi de ta lettre, vous devez maintenant être tout à fait habitués à Saint Lumine. Vous me direz comment vous êtes installés . Comment vous avez fait arranger la maison. Le magasin est sans doute où était la chambre de Marie-Henriette avec la chambre à côté, Jean doit évidemment être tout à fait dans son élément, quant à toi tu auras peut-être trouvé un peu drôle de te rendre au comptoir, mais ce n’est sans doute qu’une question d’habitude. J’espère que tout marchera bien. N’oubliez pas d’aller souvent faire une petite visite à Tonton Tanis et à tante Drienne . Aimez-les bien. La petite image-prière que je joins à ma lettre, va peut-être vous amuser un peu et vous faire dire que je n’ai pas envie de vous laisser perdre de temps. C’est sœur Marie-Félicitas qui en a reçu deux d’une tante Carmélite. Elle en a envoyé une à sa sœur et m’a donné l’autre . Dis à Marie- Georgette que j’ai été très très contente de sa petite lettre, et que je compte bien qu’elle continuera de m’écrire de temps en temps. Embrasse-la bien fort pour moi, et dis-lui aussi que je l’aime, 100 fois plus que son grand frère Manuelo… Crois-tu.. je n’ai pas encore reçue une seule ligne de lui… Et cependant, il me doit une réponse, je lui en garde, tu sais… Je regrette de ne pouvoir t’écrire plus longtemps, ma chère Marcelle, mais je dois faire rentrer mes petites élèves en classe. C’est l'heure. Je te recommande bien cette œuvre si importante. Il y a aurait tant d’enfants à instruire, et nous ne pouvons avoir qu’un nombre très réduit puisque nous n’avons pas encore pu faire rebâtir la classe et réparer le dortoir. Le Père trouve difficilement des ouvriers. Puis, à la place de nos plantations d’autrefois, c’est maintenant la brousse. Il faut faire défricher et planter pour avoir de la nourriture pour les enfants. Mais tout cela ne va pas vite. Tu vois que c’est un problème, et je compte sur tes prières pour que nous puissions au plus vite réorganiser nos écoles. Embrasse bien pour moi, tante Drienne et tonton Tanis , et toute la famille, et prie souvent pour ta petite Tante, qui t’embrasse bien fort ainsi que Jean, mon grand neveu. Georgette–sœur Marie de Loyola. Je n’ai pas encore reçu les photos, mais j’espère que tu n’as pas oublié de les envoyer. Les deux que tu avais joints à ta lettre sont bien, surtout celles prises à Saint Lumine. Manuelo avec sa mèche de cheveux sur le nez et qui rit, devant son parrain, qui se tient tout droit, et a l’air de vouloir le tancer. Votre petit groupe paraît gai et bien naturel. Je ne sais pas quand, mes lettres vous parviendront, les communications sont plus difficiles que jamais. Monseigneur n’ayant pas encore de bateau pour la Mission. Avuavu le 3/10/1946 Mes biens chers tous Comme c’est aujourd’hui fête de Sainte Thérèse, nos petites élèves ont congé. Et cela me laisse un petit moment que je suis heureuse de passer avec vous. Voilà bien des semaines que je me le promettais. Et bien, qu’on dise, que vouloir c’est pouvoir, en pratique, cela ne suffit pas toujours. Cependant mes pensées se sont échappées plus d’une fois pour vous visiter les uns et les autres , chacun dans votre petit coin. Comment allez-vous ? Figurez-vous que depuis notre retour à Avuavu , nous avons été des mois sans visite, sans nouvelle, sans courrier. C’est que, en ce moment, notre Mission est un peu désorganisée. Monseigneur n’a plus aucun bateau. Il était au marché d’un beau grand, une bonne occasion paraît-il, et voilà que l’Evêque Anglican est vite allé l’acheter pour lui. Et maintenant que les Américains, les troupes d’occupation, ont quitté, les autres bateaux sont aussi très rares. Heureusement qu'a Lunga (Honiara) où nous avons stationné quelques jours à notre descente du bateau j’ai eu la chance, et le grand plaisir de trouver votre lettre, la lettre de Marie P, et de pouvoir y répondre aussitôt. Celle-ci, je l’espère vous arrivera assez vite, et les autres écrites depuis ici, à Avuavu quand vous arriveront-t-elles ? De mon côté, je n’avais absolument rien reçu avant la semaine dernière quand Monseigneur à bord d’un steamer d’occasion qui nous apporta quelques provisions, vint nous faire la surprise d’une petite visite, et en même temps, nous apporta enfin un courrier, où je trouvais deux lettres de Marie, une datée du 20 janvier et une autre écrite aux fêtes de Pâques. Comme vous voyez, elles ont pris du temps à venir : huit et cinq mois !… J’ai été surprise de ne rien trouver de vous, ni de Drienne, ni de Tanis . Cependant, vous connaissant si bien, je ne peux pas vous en vouloir, sachant surtout le terrible mal qui vous accable, et vous fait lâcher la plume avant même de l’avoir prise… Et le pire, c’est que ça suis la famille !… Car certainement notre Manuelo a dû contracter, cette maladie, et même paraît en être à un stade déjà beaucoup plus avancé que vous tous… Pour me consoler, Marie m’a envoyé sa dernière lettre et la tienne Manuel Ier du 14 avril. Heureusement elle n’oublie personne et me donne des nouvelles de toute la famille . Ce qui me rassure. Notre nouveau ménage doit être tout à fait installé dans leur belle maison, fraîchement réparée, ce doit être comme une neuve. Comme tout est très cher, vous avez dû débourser des sommes énormes, je trouve ces chiffres presque effrayant. C’est que je ne suis plus habituée à des sommes semblables. Notre pauvre argent français n’a pas beaucoup de valeur. Cependant je vous approuve grandement de bien faire les choses pendant que vous y êtes . C’est tellement plus agréable d’avoir un chez soi convenable. Ce n’est certainement pas mal employé l’argent ni le gaspiller. Pouvez-vous maintenant trouver plus facilement les marchandises pour monter le magasin ? Je vais continuer de prier à cette attention, et dans votre prochaine lettre, j’espère que vous direz comment ça marche. D’ailleurs, les choses se rétabliront peu à peu. Ce sont les misères d’après-guerre. Avez-vous réussi à trouver des soutanes pour Manuelo? Ces derniers mois vous avez dû beaucoup travailler, pouvez-vous trouver quelqu’un pour vous faire aider ?. Vous aurez eu aussi votre grande écolière. C’est déjà une grande fille, puisqu’elle a fait sa première communion, si Drienne et tanis en avait seulement une comme cela. Comme ils seraient heureux. Il faudra que Marcelle , qui elle, sera près deux, aime bien sa tante Drienne et son tonton Tanis . Ils doivent faire bien des voyages au Pey je pense. Et Monsieur l’étudiant ? qu'a-t-il fabriqué pendant ses vacances ? Je commence à croire qu’il a renoncé tout à fait à toute relation épistolaire avec sa petite tante du pays d’outre-mer !…Mais qu’il ne s’imagine pas que je vais le laisser en paix à six bons marchés !…Vous n’êtes pas allés voir Marie pendant ses vacances ? Est-ce que ses études ne la fatigue pas trop ? Il me tarde de savoir le résultat de ses examens ? J’espère que cette fois elle réussira, vous avez bien prié pour elle, vous aussi. Et Bèbert vous avez dû le voir lui aussi ? Comment va-t-il ? Ma pauvre marraine ça doit faire un grand vide à la maison. Est-il toujours à La Baule ? Demande lui s’il pense bientôt prendre son vol vers les cieux Océanien. Quelle est cette réunion dont tu parles Manuel? Et à laquelle tu dis avoir assisté au Loquidy? Qui est maintenant à la tête du gouvernement ? Depuis notre retour, nous n’avons que de vieux journaux, car les troupes parties , il n’y a pas encore beaucoup de Blancs dans l' île , et pour le moment, pas de bateaux réguliers . On fait le plan pour bâtir une ville sur Guadalcanal. A lunga Honiara , d’où je vous ai envoyé ma première lettre à mon arrivée. Quant à nos Indigènes, ils n’ont pas beaucoup changés. Ils ont continué de prier et faire un peu leur Religion, là du moins où il y avait de bons catéchistes. Les Américains les ont pas mal édifiés sur ce point. C’est que leur connaissance s’est faite en de telles circonstances, à frôler la mort chaque jour pour ceux qui ont encore un peu de foi, cela fait songer. Ils ont tellement souffert aussi, les pauvres Américains. Les Indigènes les aimaient bien. Ils parlent surtout beaucoup de leur libéralité, mais de tous les dollars qu’ils ont reçus , il ne reste pas grand- chose, et ils ne sont guère plus riche qu’il ne l’ étaient auparavant, aussi, il n’est pas facile de se faire aider pour les œuvres, tout retombe sur nous comme auparavant. Avuavu le 8/12/1946 Mes bien chers, tous deux. Pensant que votre lettre m’arriverait, je retardais toujours de vous écrire, mais vraiment, je ne peux pas prolonger plus longtemps ce silence avec vous et sans venir vous dire à nouveau toute mon affection de sœurette. Que devenez-vous ? Et comment allez-vous tous deux ? Savez-vous que je n’ai rien reçu depuis votre lettre de novembre 1945 , si je n’avais eu les deux lettres de Marie, je serais vraiment inquiète. Cependant, nous attendons un autre courrier prochainement, et j’espère trouver une lettre de vous cette fois-ci. Nous n’en avons encore eu qu’une jusqu’ici depuis notre retour aux Salomon : c’est toujours la pénurie des bateaux. J’espère que les miennes ne sont pas aussi longues à vous arriver. Et le temps passe, nous voici déjà à une autre fin d’année, chez vous le froid doit se faire sentir, tandis que chez nous, c’est tout le contraire. Décembre, janvier et février sont les plus chauds de l’année. C’est un peu plus dur cette année après notre long séjour en Nouvelle- Zélande…nous nous réhabituerons vite. Et vous, vous ne m’avez pas encore dit comment vous étiez installés, maintenant ça va être le moment des longues veillées, ou bien encore d’un long séjour sous les couvertures. Avec un bon « chauduret » hein tanis !… Mais cette année vous serez plus en famille avec Marcelle et jean , et bientôt un ou une troisième, d’après ce que m’a annoncé Marie dans sa dernière lettre, me disant l’avoir appris par toi Drienne . Dire que nous voilà bientôt grand oncle et grande tante ! Cela nous vieillit, n'est-ce pas. Ils ont fait bien arranger la maison, paraît-il, avec beaucoup de frais évidemment, puisque tout est si cher aujourd’hui, mais je trouve qu’ils ont eu raison de bien faire les choses pendant qu’ils y étaient, pour ne pas avoir à recommencer plus tard, n’est-ce pas ? C’est combien plus agréable d’avoir un chez soi convenable. Ils sont un peu gâtés. J’imagine c’est par vous deux et Manuel , que ne ferait-il pas pour eux. C’est d’ailleurs bien naturel. J’espère que leur commerce marche bien. Pour nous, la guerre n’a pas amélioré notre situation, le commerce du coprah qui, autrefois, rapportait bien , ne marche plus du tout maintenant, et c’est une grande perte. C’est ce qui, en grande partie, contribuait à soutenir nos œuvres, nos écoles particulièrement. Les Indigènes, en travaillant pour les Américains, ont appris à aimer les dollars, et maintenant, pour se faire aider, il faut bien payer. Et avec cela c’est dur de les faire débourser , de leur faire donner quelque chose pour faire instruire leurs enfants. Que c’est difficile de leur faire comprendre que c’est tout simplement leur devoir .Jusqu’ici nous ne leur demandions rien, et ils veulent toujours que ce soit nous qui fournissions tout. Pourtant, je ne me gêne pas pour leur dire leur vérité. Si vous me voyez quelques fois discuter ou plutôt sermonner, parce que c’est moi qui parle presque toute seule à ces grands diables noirs, les pères des enfants, et les bonnes femmes aussi, vous ririez de mon audace, si vous pouviez me voir un peu. Mais je n’ai pas le courage de vous parler d’ici, plus longtemps. C’est de vous que je voudrais avoir des nouvelles. J’ai d’ailleurs écrit une longue lettre à Marie, qui me pose des questions en règle, et je suis sûre qu’elle vous aura donné de mes nouvelles. Je vais donc vous laisser pour aujourd’hui comme nous approchons de Noël. J’ai plusieurs lettres qu’il me faut écrire, the English Letters aussi, aux connaissances de Nouvelle-Zélande, et d’ici peu de temps, lorsque votre lettre m’arrivera, je vous écrirai de nouveau et parlez-moi plus longuement de vous. Vous allez me faire croire que, parce que je suis loin, vous pensez que ce qui vous concerne, peut me laisser indifférente. Et pourtant, quand je prie pour vous surtout, il me semble vous sentir tout prêt.. Pour le monde des âmes , les distances ne comptent pas. À bientôt de vous lire, mes biens chers tous deux, mais ne soyez pas trop paresseux à m’écrire de nouveau. Vous aurez bientôt la visite du grand filleul pendant ses vacances de Noël. Savez-vous qu’il ne m’a pas encore écrit une seule fois et à vous, est-ce qu’il vous écrit ? Au revoir, chaque jour je vous suis unie par l’affection et la prière. Je vous embrasse bien fort comme je vous aime les mots me manquent et ils semblent si pauvres pour exprimer toute mon affection de sœurette pour vous. Georgette– sœur Marie de Loyola, Recevez bien mon Evêque, vous savez, il n’est pas intimidant, vous verrez. Donne-moi des nouvelles de Monsieur Levesque . Tu prie pour moi Tanis . Comme les gens chic, j’envoie des cartes, elles m’ont été données. Vous voudrez bien les distribuer aux destinataires. Excusez mon papier qui tâche tout en écrivant. 1947 Tangarare le 4/08/1947 Ma bien chère petite sœur, Tu as remarquée l’en-tête de ma lettre !! Oui, me voici à Tangarare depuis deux jours, en route pour Visalé… Nous avons été sur le bateau presque avant d’avoir eu le temps de penser que nous partions. Notre Révérende Mère, que nous ne comptions plus voir avant cinq ou six mois, puisque ne pouvant trouver tout de suite de transport pour les Salomon. Elle s’était alors décidée à visiter d’abord les Vicariats Français, mais voilà, qu’une fois en Calédonie, elle apprend qu’un avion est en partance pour les Salomon. Alors, elle change de nouveau ses plans, demande une place sur cet avion, l’obtient, et c’est ainsi qu’un beau matin, à la grande surprise de tout le monde, on apprend qu’elle est à Honiara . C’en fut une bonne aussi pour nous je t’assure! L’autre matin, nous regardions tranquillement le bateau qui venait d’ancrer et commençait à débarquer, lorsque le Père arriva avec une lettre et nous annonce que ce bateau venait nous chercher, et que dans deux heures il faudrait être prêtes à monter à bord. La Révérende Mère était là , et demandait à voir toutes les Sœurs, un autre bateau était parti dans les îles de Malaita et San Cristoval pour chercher les autres Sœurs. Heureusement que j’avais quelques cornettes, cols , etc. de repassés . Enfin , nous montrons un peu au Père, où sont les choses, laissons tout et partons. La mer était très agitée , aussi le bateau balançait, j’allais dire joliment … Mais, c’est terriblement ce que je veux dire. Aussi,, comme à mon ordinaire, à peine sur le bateau, me voilà qui commence à donner à manger aux poissons. Tout le long du trajet, pas très long, sept heures environ, j’ai eu le mal de mer. Nous avions pourtant quelques grands garçons aux petits soins pour nous. Malgré cela, j’étais contente d’arriver à la Station chez les Sœurs. Ici nous sommes comme chez nous et nous nous reposons autant que nous voulons. Elles sont quatre Sœurs à Tanga et nous trois. Cela fait sept. Un autre petit bateau de la Mission doit venir nous prendre toutes pour Visalé . En attendant, cela nous fait quelques jours de vacances, et hors de la Station, nous tâchons de les passer sans soucis. Nous avons passé ces deux soirées à jouer aux cartes et à un autre jeu avec les dés. Je ne me souviens plus du nom en Français, il faut quatre joueurs. Sœur Marie Léon en est une joueuse infatigable. Après le souper, dès que nous sommes en récréation, elle commence par dire « nous les jeunes. Moi …(elle a 60 ans.)… Sœur Marie-Thérèse, Georges, Loyola, nous jouons ». Et si on l'écoute, ce serait au moins jusqu’à 10 heures. Elle est amusante. Son excitation et ses mimiques m'amusent autant que le jeu. Mais toi, my Most dear Little Sister. Que deviens-tu ? Je n’ai pas besoin de te dire combien j’ai été contente lorsque ta lettre de Pâques m’est arrivée, pourtant je trouve que tu ne parles pas trop de toi. Dis-moi un peu ce qui te pèse pour que je partage avec toi, oui je sais, il y a des choses qui ne peuvent guère s’écrire. S’il nous était donné de passer seulement un moment ensemble, pouvoir se parler coeur à cœur… Oh ! C’est dur parfois. … Mais où serait le sacrifice si on ne le sentait pas. Et puis, au bout est le ciel, et là nous serons réunis pour toujours..Tu ne fais pas allusion à tes études, à l’examen. Est-ce que ce n’est pas en juin ou juillet que tu devais le passer ? Ou est-ce changé ? Tu dois t’inquiéter avec tout cela, j’en suis sûre . Je demande bien à la Sainte Vierge, de te guider, de t'aider dans tes difficultés, je te confie à elle, ma chère , bien chère Marie. Je vais encore trouver plus long cette fois jusqu’à ta prochaine lettre Marie …Toujours rien de Saint Lumine et du Pey j’ai envie de ne plus leur écrire non plus, mais cela me punit encore plus. Marcelle qui m’avait promis sa photo de Mariée , et la tienne que Jean avait prise et qui ne vient jamais.Tu ne m’en envoies pas souvent toi non plus. Et pourtant je serais si contente et ce n’est rien pour Marcelle et Jean de te prendre en photo, moi , je n’ai ni appareil ni pellicule, ni les deux autres Sœurs Antonia et Brigitte . Le Père en a un mais il n’en a pas encore pris une depuis son retour d’Avuavu . J’espère que Marcelle cédera quelques fois la place à Drienne dans ce voyage de Cholet pour lui permettre de te voir. Cela lui fera du bien de parler un peu avec toi et à Tanis aussi . Ne t’ont- ils pas emmené leur petite Françoise? Elle doit être mignonne déjà à huit mois. Et Marie- Georgette y a-t-il longtemps que tu ne l’as vue? Une tournée en voiture ne doit pas lui déplaire, elle doit souvent rouler de Saint Lumine au Pey et du Pey à Saint Lumine. Et notre pauvre grand Manuelo parti au Maroc. Il me tarde d’avoir de ses nouvelles. Écrit-il a toi ? Le climat est assez dur là-bas. Pourvu qu’il ne tombe pas malade. Et dans quel milieu se trouve-t-il ? Y a-t-il quelqu’un de connu avec lui ? Il va trouver dur pauvre enfant. Combien de temps dure le service militaire? Que la Sainte Vierge, le protège et lui garde la santé, de l’âme et du corps. Je te disais , que je n’avais encore rien reçu du pey ni de Saint Lumine, par contre, j’avais une lettre de la cousine Jeanne Gaborit de la Martinière, envoyée par avion, et qui n’a pris guère plus d’un mois à venir. C’est la deuxième qu’elle m’écrit, c’est bien gentil de sa part. Je pense que c’est ma marraine qui doit lui souffler là-haut de la remplacer. Elle qui me donnait toujours des nouvelles de toute la famille. Je vais te quitter pour ce soir ma chère Marie, et te dire à bientôt à Visale Visale le 8 août 1947 Ma bien chère petite sœur, Nous voici arrivées . Le voyage n’a pas été long quatre heures, ni fatiguant, et je n’ai pas eu de mal de mer du tout . Car nous avons la chance de le faire sur un grand bateau de guerre américain, qui a stationné deux jours et a bien voulu nous prendre à son bord. Le Capitaine et quelques autres pouvaient parler un peu Français et ont été très aimable. Ils font l’inspection de tous les coins de l'île et on se demande ce qu’ils préparent. Ils sont bien encore cinq cents Américains, paraît-il à Guadalcanal. Maintenant toutes les Sœurs sont là: 28 en tout , nous sommes arrivées presque les dernières à Visalé . Comme toutes , nous avons déjà fait notre Retraite dans nos Stations respectives, notre Révérende Mère demande seulement que nous fassions cinq jours de Récollection a commencer ce soir.Tout à l’heure, il y aura Bénédiction du Saint- Sacrement, aussi je vais te dire au revoir. Jusqu’après notre petite Retraite, pendant laquelle, tu le penses bien, je ne t’oublierai point près du bon Dieu. 17 août 1947 Ma bien chère Marie, J’ai bien cherché, mais en vain ,, un petit coin solitaire pour pouvoir bavarder tranquillement avec toi, nous sommes nombreuses, mais la maison n’est pas grande. Du Visalé d’autre fois, il ne reste que quelques poteaux en ciment et quelques marches, à moitié brisées , seules les deux statuts de la Sainte Vierge et de Saint-Joseph, placées de chaque côté de la façade de la Cathédrale, sont restées intact sur leur piédestal . Ce ne sont que des bâtiments construits à la hâte, avec des matériaux de fortune du provisoire, mais jusqu’à quand ?… La Résidence de Monseigneur va maintenant être à kakabona , a à peine 1h d’ Honiara la future capitale. Là également, ce sera un Couvent de Sœurs , avec la perspective d’une école supérieure de filles, tout cela n’est encore qu'à l'état de projet. Les Frères Maristes ont déjà un collège non loin de là . Mais revenons ici, nos quelques jours de Retraite sont passés bien vite. Notre Révérende Mère nous a donné deux conférences, une le matin, et une autre le soir. Les plus belles conférences sont les plus pratiques, que je n'avais pas encore entendues. Monseigneur Vanessa aussi, nous en donna une à 3h qui était bien également. Notre Révérende Mère, est la bonté même, si simple, et si vraiment maternelle comme maman, et je me suis tout de suite sentie tout à fait à l'aise avec elle, pourtant, un peu sauvage comme tu me connais, je ne le suis pas avec tout le monde. Les soucis et les difficultés ne lui manquent pas dans ces longs voyages, aussi elle paraît fatiguée, mais elle est courageuse, et compte beaucoup sur la Divine Providence, qui l’a tant aidée déjà. Le matin de la clôture, renouvellement des Vœux, Monseigneur et le Père de la Station étaient présents. Enfin, l’après-midi, nous eûmes notre dernière réunion que chacune attendait non sans, un peu d’anxiété, car cette fois, c’était pour recevoir nos destinations. Je n’attends pas plus longtemps pour t’annoncer la mienne, qui n’est pas une nouvelle, puisque je retourne à Avuavu mais , cette fois je dois y retourner avec d’autres responsabilités, pauvre moi!… J’ai été nommée Supérieure …Je tiens à te le dire, ma chère Marie, pour que tu pries pour moi. Cela me fait un peu peur. Comme tout est en commun avec les Pères, cuisine, store, plantation etc. nous avons souvent affaire à eux et cela m’intimide un peu encore. Je le connais et il est certainement très bon . Surtout je compte sur l’aide de la très Sainte Vierge pour m’inspirer et me diriger. Nous n'y retournons que deux : Sœur Marie Brigitte n’est pas assez forte et reste à Visalé pour la couture. Mais la Révérende Mère m’a promis d’en envoyer une troisième dès que ce sera possible . Il est arrivé quelques nouvelles Sœurs mais, nous sommes pour ouvrir une autre maison et une léproserie, auquel Monseigneur pense depuis longtemps et alors, nous sommes bien à cours dans les Stations. Avant hier, des Indigènes des environs sont venus, bien qu’en ce moment, l’esprit des Indigènes ne soit pas des meilleurs surtout a Visalé , résultat de la guerre, ils font souvent des meetings. Il est dur d'avoir les enfants en classe beaucoup refusent de les envoyer. Les Sœurs fonctionnent avec une douzaine, le Père parle pourtant .. C’est l’œuvre des Communistes, des Blancs, qui leur ont monté la tête . Cependant, nous ne pensons pas que cela dure longtemps. Mais nous avons besoin de prier.