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Avuavu le 18/12/1938 À soeur Marie -Georgette Ma bien chère sœurette, Tu vas attendre ma lettre cette fois-ci ma Marie, voilà déjà bien quelques temps que je me promettais de t’écrire . Ah oui, mais vraiment pas moyen d’arriver à trouver un moment . Les occupations prennent chaque instant du jour . Il est vrai qu’il y a encore la nuit… Mais je n’ai même pas le courage . Et d’ailleurs je me ferais vite gronder. Et puis le temps passe. Je ne me souviens plus si je t’ai déjà dit que sœur Marie Brigitte (la Sœur de Cambon ) était partie à Sydney, pour un repos dont elle avait bien besoin. En attendant, nous ne restons que deux : Sœur Marie Antonia (une vieille Sœur Allemande, la seule aux Salomon maintenant) et moi. Nous avons peine à arriver à tout faire, car il y a bien du travail pour trois, mais ce ne sera je pense que pour quelques mois. Et toi, ma chère Marie, tu continues à piocher les livres, les études ne te fatiguent-elles pas trop ? As-tu toujours ta classe de petites à faire ? Je m’attendais presque à une lettre de toi, à ce dernier courrier, mais ce sera pour le prochain . J’en ai enfin eu une de Manuel père et fils, de Marcelle, et une autre de Drienne . Leur dernière datait bien d’ il y a près de cinq mois. Ils devaient être si abattus. Les voilà plus que tous trois à la maison maintenant, puisqu’ils sont allés conduire Manuelo au petit séminaire de legé. Manuel paraît faire généreusement ce sacrifice, car s’en est certainement un grand pour eux, de se séparer de leur petit Manuelo, surtout maintenant que notre chère maman n’est plus là. Elle aurait été de l’aller conduire elle aussi. Bien qu’elle n'ait pas manqué de souffrir de ne plus l’avoir près d’elle. Mais elle s’oubliait tant , pauvre douce maman . Au ciel , elle doit encore plus se réjouir , elle ne manquera pas d’aider son petit gars , car il a certainement dû lui en coûter à notre Manuelo de quitter la maison avec son petit cœur si sensible et si affectueux . Ils pourront le voir souvent.. ça leur est assez facile . C’est l’abbé Arlais que nous connaissons qui lui fait la classe . Marcelle continue d’étudier , ça n’a pas l’air qu’elle pense à se préparer pour rester au Pey. Ils vont rester tous, bien seuls . Elle me dit , Marcelle , qu’ils sont allés passer une journée avec toi à Pornic ,le cousin Abbé était de la partie .Tu auras été contente, et eux aussi, mais c’est si vite passé . Marcelle m’a promis une photo. Manuel m’a envoyé celle de maman dans sa lettre. Quand j’ai ouvert et que je l’ai aperçu , Oh Marie ! Notre chère maman, je me suis sauvée dans un coin, car je ne pouvais m’empêcher de l’appeler, de lui parler tout haut. Elle est ici bien la même, pauvre douce maman . Elle paraît dormir paisiblement, les yeux bien fermés , comme nous l’avons vue bien souvent , dans son lit le soir, alors que retardataires, nous n’étions pas encore couchées. Oh, que tu as dû souffrir, ma chère Marie, à ton arrivée, en la trouvant immobilisée dans ce sommeil, le sommeil de la mort, Plus d’une fois depuis ta lettre, j’ai revécu ce moment si dur que tu as due passer. Pauvre maman, elle s’est donné beaucoup plus de peine pour nous, qu’elle n’en a donné elle, je veux croire qu’elle est heureuse maintenant, heureuse du bonheur du ciel, Souvent je lui parle, il me semble qu’elle doit m’entendre, et quand j’ai quelque chose de difficile, je lui demande de m’aider et je réussis. J’ai mis sa photo dans mon missel, et j’en ai une ici. Manuel me dit qu’il va envoyer de l’argent pour que le Père ici, disent des messes pour elle. J’en suis contente, car il ne demandait pas mieux je le sais . Et maintenant, il faut que je te laisse ma Marie, il est temps, et d’ailleurs je n’ai pas le courage de te parler d’autres choses. Au revoir, bonnes fêtes de Noël ! Je t’embrasse avec toute mon affection. Premier de l’an Ma bien chère Marie, Je ne t’ai pas encore envoyés mes vœux de nouvel an, ma Marie, ils vont arriver bien en retard, mais qu'importe, tu sais bien que je ne t’ai pas oublié pour cela, de tout mon cœur j’ai demandé à l’enfant de Dieu de te bénir ma sœurette très chère. Noël est passé encore une fois . Le temps passe vite malgré tout, la veille et les jours précédents, il y avait du travail. Sœur Marie Antonia étant occupée à la cuisine , j’étais seule avec mes filles pour m’occuper de l’église, et il y a à faire dans notre grande nouvelle église maintenant. Heureusement, l’un des Pères a été assez bon de venir aider à l’ornementation, cela m’a rendu grand service. Si tu voyais la crèche elle est bien jolie. Le soir les enfants étaient contentes de porter processionnellement, les personnages de la Sacristie à la Crèche,. Et pour la Messe de minuit, je t’assure qu’elles étaient bien réveillées , les petites aussi. Y es-tu allée à la Messe de minuit ? Aujourd’hui, nous sommes allés chez les Pères leur souhaiter la bonne année, eux viennent à leur tour. Ils sont toujours trois en Résidence, le Curé, le Père Boudart de Vannes, un des plus anciens Missionnaires du Vicariat, les deux Vicaires Hollandais, le Père Albert et le Père Alloisio . N’as-tu pas eu de vacances cette semaine ? Marcelle et Manuelo doivent être à la maison, ils mettront un peu de vie. Il me tarde de savoir ce que dit Manuel de sa nouvelle vie. Drienne doit faire moins de visites maintenant. Chère maman, il y aura son service ce mois-ci. Les deux Sœurs qui vont en France sont en route, elles ont quittés les Salomon le 24 décembre. Tu les verras j’espère, j’ai donné ton adresse Mère Marie Irénée est bien simple, je lui trouve ressemblance , de manière, à ma marraine. Sœur Marie Thaddée quitte Sydney. Tu as déjà dû l’entendre . Manuel me dit qu’il m'envoie une caisse . Ils sont bien bons. Ils se donnent bien de la peine pour moi . Alors, cette fois je te laisse ma Marie, et je termine ma lettre car j’espère avoir bientôt une occasion de l’envoyer.Il me tarde d’avoir de tes nouvelles . Prions l’une pour l’autre, que nous répondions toujours mieux à ce que le bon Dieu attend de nous. Prions pour ceux que nous aimons, et desquels nous sommes séparés. Que le Seigneur soit avec eux. Bonne année ! A toi, ma chère sœurette, bonne santé ! Et le paradis à la fin de tes jours. Je t’embrasse avec toute ma tendresse, bien à toi toujours. Georgette–sœur Marie de Loyola. 1939 Avuavu le 19/02/1939 Ma bien chère sœurette, Ta lettre d’octobre et début novembre m’est arrivée il y a déjà quelques semaines. J’aurais voulu y répondre sur le champ, mais comme dit Manuelo, je n’ai pas eu le temps. Pas moyen de trouver un petit moment, pourtant nous serons moins occupés avec les enfants, puisqu’on vient d’en renvoyer une bonne partie dans leur village . Vacances forcées encore une fois, il n’y a pas assez de nourriture jusqu’à l’arrivée du cargo, ça c’est pénible . C’est un mauvais moment qui passe : le Coprah ne vaut rien en ce moment, et c’est notre seule ressource, alors les Pères ne peuvent pas acheter assez de riz, pour tout ce petit monde, et les plantations ne suffisent pas. Quand les Indigènes sauront-ils aider un peu leurs Missionnaires ? Je ne sais pas ! Il faudra sans doute bien des années. Vous n’avez pas ce souci. Vous avez sans doute d’autres difficultés. Que j’ai été contente de trouver la petite photo. La bonne dame a été bien gentille de t’en donner une. Tu paraît très bien. Toute occupée à faire placer tes gentilles petites filles, mais sais-tu que je t’ai regardé à deux fois. Oh! A bien plus de deux fois même. Quel grand corps , mais quelle pauvre petite figure, vraiment il me semble que tu es encore plus maigre qu’autrefois. Ces études ne peuvent certainement pas manquer de te fatiguer .. La jeune fille, ton aide, a meilleure mine. Toi tu as bien l’air d’une grande sportive, as-tu réussi à ce fameux brevet ? Ce doit être bien compliqué aujourd’hui le programme de classe. Les maîtres et maîtresses, toi, ont besoin de bien du courage. Mais quelle belle et grande tâche. J’ai montré ta petite photo à mes filles en leur disant que c’était ma grande sœur qui les enseignait. Elles ont fait des exclamations. C’est vrai qu’elles sont gentilles. C’est encore l’innocence même à cet âge, mais il y a une différence avec les vôtres. Le 6/03 Ma chère Marie, je suis bien contente et te remercie bien de t’être occupée de mes livres, mais cela t’est encore un surcroît de peine et d’ennuis. Tu es bien peu libre, si prise par le devoir de tous les instants. C’est bien un « garin » complet que je voulais. Il y a dedans des chants latin que nous chantons à l’église au salut du Saint-Sacrement. Et des cantiques en salomonais avec la musique de Garin, je dois exercer les filles, le Père exerce ses garçons, et de temps en temps, nous avons répétition en commun. C’est pour cela. J’ai besoin de ce livre. Là encore , il faut de la patience, je t’assure. Ce n’est pas faute de vouloir. Pourtant, elles veulent trop bien même, et ils mettent un peu trop d’ardeur. Elles croient, je pense que plus elles chantent fort, plus elles crient , et mieux ce sera…. J’avais parlé aussi d’un petit recueil de chants scout, et ce qui m’y a fait penser, c’est que le Père Courtais et Podevigne, en avaient un, et que , j’ai entendu des chants sur des airs de chants scout qu’ils avaient appris aux enfants, et qui étaient très gentils, très entraînants. Juste ce qu’il faut pour nos Indigènes. Naturellement, il faut chercher les paroles en Salomonais, car nous ne faisons jamais chanter en français, mais toujours en Salomonais, un peu en anglais, quelques petits chants, très courts en anglais. Voilà la difficulté, tu comprends, sans être sur place, tu ne peux pas bien t’imaginer la situation, mais je pense maintenant que celui que tu as déjà acheté « deloroze » sera beaucoup mieux. Alors ne te dérange pas autrement. Monseigneur aime beaucoup, que l’on fasse faire quelque chose aux enfants, chanter, préparer de petites scènes. Seulement nous sommes surchargées et avons trop peu de temps pour nous occuper de nos enfants. Isolées dans nos Stations, chacune fait ce qu’elle peut, comme elle peut, j’ai pensé que ces livres m'aiderait un peu , car tu connais mon savoir là-dedans. Et le temps passe. Nous voilà au début du carême. Je n’ai pas eu de nouvelles de « chez nous » depuis que je t’ai écrit la dernière fois, avec la tienne, une de Tanis , c’est tout. Marcelle ne m’a pas écrit depuis la fin des grandes vacances le 3 octobre. Alors, pendant tout ce temps, elle n’est pas allée une fois voir Drienne et Tanis . Ça, c’est pas gentil du tout. Eux qui n’ont personne autre,. J’ai été vraiment étonnée sur sa lettre, la première qu’elle m’écrivait depuis la mort de maman . Elle n’en dit pas un mot, comme si rien ne s’était passé à la maison. Et moi, j’attendais qu’elle me parle encore de sa mémé, de notre maman tant aimée. Elle l’aimait bien pourtant… Marcelle n’est pas très expansive. Oh oui, quel vide elle fait dans nos cœurs, notre chère maman, je ne sais comment te dire, mais ce n’est plus comme avant, ce ne sera jamais. Le bon Dieu, en prenant notre maman bien-aimée, a voulu sans doute nous aider à nous détacher, pour nous avoir plus à lui, car notre pensée qui allait si souvent vers elle, « chez nous » montera maintenant vers le ciel, vers Dieu, pour retrouver maman. Tu as vu Bèbert, il ne m’a pas encore écrit, ne t’a-t-il pas dit qu’il avait offert des Messes pour maman ? Et « chez nous » n'en a-t-on pas fait dire tout de suite ? Prions, si elle était encore en purgatoire, maman était bien bonne, mais on ne sait pas, on ne peut pas savoir, que je voudrais savoir que maman est au ciel, j’ai eu la même pensée que toi, Je récite aussi chaque matin les oraisons des défunts pour maman. Elles sont si touchantes, et c’est si bien ce que notre cœur demande. Je te met deux petites photos que le Père m’a donné. Je n’en ai pas d’autres pour le moment, tu voudras bien en prendre une, celle que tu voudras et envoyer l’autre à Drienne puisque « chez nous » on n’en a déjà une. Elles ne sont pas très réussies. Comme tu verras, je regrette qu’on ai pas fait prendre maman dans son fauteuil, par exemple. Et maman n’est plus là. Oh ! La dure réalité. Prions bien pour maman, prions l’une pour l’autre, pour que de plus, en plus détachées , nous soyons toujours plus unies à notre Seigneur, et selon son Divin cœur. Travaillons ensemble avec Jésus et pour Jésus. tout le reste n’est rien. Je te remercie de m’avoir mis la lettre de Valentine. Elle est bien bonne , sincèrement, elle est heureuse dans sa solitude et je l’envie presque. Je voudrais bien lui écrire, mais je ne sais pas si je pourrai un jour. Et toi, tu ne lui écris pas non plus ? La dernière lettre de Monseigneur, tu vois qu’il est bien simple , bien bon . Allons, au revoir ma Marie. Tâche de deviner. Si tu ne comprends pas bien , si ce n’est pas toujours très clair ce que je te dis c’est que j’ai un bon mal de tête sans doute à cause d’un rhume que j’ai pris. Je ne sais pas si je peux attendre une lettre d’Angers , au prochain courrier? Chez nous et à Saint Lumine, il y a les veillées. Je pense qu’on a dû m’écrire. Et Marcelle, et Dada : il m’a pourtant promis d’écrire plus souvent à Legé . J’espère qu’il s’habitue bien. Je t’embrasse ma Marie, ma petite sœur très chère. Lis entre les lignes toute la tendresse de ta grande petite sœurette. Georgette–sœur Marie de Loyola. Avuavu le 5/11/1939 Mes bien chers tous. Combien il me tarde d’avoir de vos nouvelles, je n’ai pas encore reçu la lettre de Marcelle et Manuelo. Depuis les vacances, je commence à trouver le temps long et à croire qu’ils font les petits paresseux. Que faites-vous ? Que devenez-vous ? Je pense bien à Manuel, est-il déjà mobilisé ? Je voudrais bien savoir. Tanis ne le sera pas tout de suite. Ce serait sa deuxième guerre, et combien d’autres malheureux comme lui. Si papa reste seul, comme il va se tourmenter et se donner de la peine. Je pense bien à toi aussi. Marie P et prie pour toi, Marcelle et manuelo sont-ils à la maison car les séminaires et institutions sont peut-être fermés. Que se passe-t-il ? Il doit faire bien triste en France. Nous n’avons aucune nouvelle depuis plus d’un mois, mais vous pouvez penser dans quelle anxiété nous sommes, les questions que nous nous posons. Ici tout est aussi tranquille qu'à l'ordinaire que nous sommes loin, au fond de notre brousse, nous ne percevons pas même un écho de tous ces bruits de mort. Monseigneur a demandé des prières publiques à l’église, pendant tout le temps que durera la guerre, priez pour notre pauvre Europe, nos Indigènes ne se font guère de soucis : ils ne sauraient le bien comprendre, d’ailleurs. Mais nous tous, leurs Missionnaires, combien nous pensons à vous. Chaque soir, à la classe de catéchisme, que je fais aux enfants, je leur en parle et leur demande qui a pensé à faire une petite prière pour ceux qui combattent là-bas, et qui vont mourir. Quelques-unes lèvent vite la main et me disent qu’elles y ont pensé. Depuis plusieurs jours, nous sommes seuls avec les enfants, nos Pères ne sont pas encore de retour, leur réunion ayant été un peu retardée au dernier moment. Ainsi, nous avons passé la fête de la Toussaint et des morts sans Messe . Combien j’ai pensé à maman et vous aussi n’est-ce pas ! Il faut espérer qu’elle est déjà au ciel, que le Bon Dieu l’a déjà reçue avec tous ses Saints . Je lui ai demandé de tout mon cœur. Prions toujours pour elle. Pauvre chère maman, nos prières ne seront jamais perdues. Il y a tant de pauvres âmes oubliées .Tant qui doivent tomber en purgatoire en ce moment. Je vais vous laisser pour ce soir. Je vous écrirai à nouveau quand j’aurai votre lettre. Marcelle et Manuelo trouverons bien un petit moment pour me donner de temps en temps de vos nouvelles. Favreau et rinel viennent-ils bien vous aider ? Et votre petite bonne est-elle bien comme il faut ?Comment va ma marraine et tous à la Martinière ? Feydeau est-il marié ? Et Monique ? Je n’ai jamais de nouvelles de tout ce monde là. Le 11 Le bateau vient d’arriver qui apporte notre courrier, je pensais lire votre lettre avant de finir la mienne, mais le Père n’a pas encore eu le temps de faire la distribution et d’envoyer les miennes, et, comme le bateau doit repartir presque tout de suite, je n’ai que le temps de finir bien vite pour les envoyer, car il ne faut pas manquer l’occasion. Tout de même en terminant, pour qu’il vous arrive, je veux vous offrir déjà tous mes meilleurs vœux de nouvel an, que sera-t-elle ?Elle s’annonce bien triste. Pourtant il faut avoir confiance en Dieu, espérons qu’il arrangera tout, lui seul le peu. Bonne année ! Cher papa, bonne année ! Cher Emmanuel et Marie P, bonne année ! Mes deux chers grands Marcelle et Manuelo . Bonne santé ! Le paradis à la fin de vos jours. Je vous embrasse avec toute l’affection que vous savez, et vous suis toujours unis par la pensée. Georgette– sœur Marie de Loyola Les gens viennent à la Station. Nous avons l’infirmerie tout près de l’église avec deux petites pièces. Elle n’est pas mal. Nous sommes toujours occupées une bonne heure et demie chaque matinée. Les gens du dehors et avec nos 42 garçons, il y a toujours des éclopés et aussi parmi nos filles. Et maintenant il me faut vous laisser. Pour ce soir. Je me mets à écrire à Marie. Je n’ai pas encore de ses nouvelles depuis juillet et je voudrais bien en avoir. Je me demande ce qu’elle fait. En France ça doit pas être brillant, nous nous demandons ce qui doit se passer d’après les journaux tout va mal. Partout, on est inquiet, on est sous la menace des plus terribles choses. Il semble que c’est un vrai bouleversement dans l’Europe entière, l’Espagne, c’est affreux tout ce qui s’y passe. Ici les questions politiques ne nous troublent guère. Il y a partout grand besoin de prières. Au revoir cette fois , je vous retrouverai après Noël . Il faudra m’écrire en faisant la veillée, priez pour moi comme je le fais pour vous. Je vous embrasse avec tout mon cœur de petite sœurette. Georgette–Marie de loyola Avuavu 11/1939 Mes bien chers Tanis , Drienne, Vous lirez la lettre que j’écris « chez nous » mais j’ajoute quand même cette feuille pour vous dire encore toute mon affection avec mes vœux de nouvel an. J’espère que vous allez bien tous les deux, les vendanges , sont finies, et voilà la saison où l’on aime bien le coin du feu (pas aux Salomon par exemple) . Les pauvres soldats auront encore le froid en plus à souffrir. Que ferais-tu toute seule Drienne si Tanis était appelé,? Mais, il ne le sera pas, ce n’est pas possible qu’on mobilise ceux qui ont déjà fait toute la guerre en 1914. Mère Marie Irénée est déjà de retour aux Salomon . Si elle avait attendu un peu plus tard pour s’embarquer, elle serait sans doute encore en France avec la guerre. Mais elle n’est pas aller vous voir, et je ne suis pas contente avec elle , je ne lui ai pas écrit. Leur temps m’a t elle dit, s’est trouvé très limité quand elles sont allées à Vieillevigne. Elle devait être de retour à Lyon pour prendre part au pèlerinage à Lourdes. Sœur Marie Raphaël, sa compagne, une lyonnaise, qui devait quitter la France seulement en octobre, y est pour un moment maintenant. Je m’arrête, il y a Chapelet et prière à l’église. Tout à l’heure, je vais voir si les enfants se préparent. Nous profitons de notre solitude.(qui ne sera pas longue maintenant, nos Pères vont arriver) pour faire un peu de nettoyage à l’église , laver, repasser, et raccommoder, car autrement nous n’avons guère de temps pour penser à nous. Nous donnons congés aux enfants, ces quelques jours, je ne fais que la classe de catéchisme le soir. Au revoir, bonne année à tous deux, bonne santé ! Le paradis à la fin de vos jours. Si tu ne sais pas quoi faire pendant les veillées,Tanis, écris-moi pendant que Drienne raccommodera ton vieux gilet de laine, et tes vieilles chaussettes . Avez-vous quelques visites pour faire la veillée avec vous ? Que devient Marie Huguette? Je vous embrasse 1000 fois bien fort, avec toute mon affection de sœurette Georgette–sœur Marie de Loyola. 1943 Aumônier Divisionnaire le 5/6/7 Mars 1943 Au mois de septembre 1942 A Ruavatu , Guadalcanal, Deux missionnaires, Mariste, le Père Duhamel, un Père Américain, et Oude Engberink, Hollandais, et deux Sœurs Missionnaires de la Société de Marie, Sœur Marie Odilla et Sœur Marie Sylvia, tombaient , la gorge percée par les baïonnettes, des soldats Japonais, Et le sang des quatre martyrs, à arroser les sables de Guadalcanal, comme auparavant, le sang de Monseigneur Epalle , et quelques mois plus tard des Pères Paget , Pacquet, et du frère Hyacinthe, arrosaient les terres infidèles de Isabel et de San cristoval.. Après la déroute des Japonais dans L’île Guadalcanal, aux Salomon Britannique, un détachement de reconnaissance américain, s’était avancé en patrouille, vers l'est, jusqu’au-delà de la rivière Boko Kimo. On nous avait parlé de l’héroïsme de ces quatre martyrs, de la société de Marie, et de la destruction malveillante de Alex et de la mission de Ruavatu . Busa, un chef Indigène , avait montré au major Général J. Lawton Collins. Le lieu secret, où avaient été ensevelies les victimes. Le Général, ancien élève de l’école paroissiale d’Algers, Louisiane , enfant de chœur à l’église paroissiale confiée au Père Mariste, aujourd’hui acclamé aux États-Unis, comme le conquérant de Cherbourg, m’autorise aussitôt à me rendre sur les lieux et à remettre en ordre, si possible, la Chapelle et les bâtiments de la Mission. Je lui ai également demandé l’autorisation de transférer les corps de leur sépulture actuelle à la Mission, devant la demeure du maître, qu’ils avaient tant aimé, et si bien servi, Le Général accéda très volontiers à ma requête . Accompagné de trois hommes et du sergent. Je quittai notre bivouac et un Chaland de la Marine nous transporta jusqu’à Ruavatu . Tout l’après-midi du 5 mars 1943, fut employé à la triste tâche de trier les débris accumulés sur une épaisseur de 30 à 40 cm dans les locaux de la Mission. Tous les objets religieux, les souvenirs personnels avaient été méchamment détruits, déchirés, brisés, jetés par terre en morceaux. Quelques livres seulement étaient restés intacts. Nous examinâmes avec soin chaque objet ramassé, espérant trouver quelques souvenirs pour les familles ou quelques articles qui pourraient être utiles aux Prêtres et aux Sœurs qui, bientôt, nous en étions sûres, viendraient prendre la place des victimes. Très peu de choses furent retrouvées . Le reste fut brûlé, les chambres remises en ordre, autant que cela était possible. Puis nous passâmes à la Chapelle et, là, la tâche fut encore décourageante. Le bâtiment était intact, mais des ornements déchirés, les statues brisées, étaient éparpillés sur le plancher. Anxieusement, mais en vain , je cherchai : calices , ciboires, ostensoir, qui je le savais, auraient dû être là. Je ne pus rien trouver, et je repoussai avec horreur la pensée de ce qu’en avaient fait les Japonais . Les capsules des Saintes Huiles étaient là au pied de l’hôtel, écrasées piétinées , , sûrement le ciboire contenant les Saintes Espèces n’avait pu avoir meilleur sort. Avec tristesse, comme cela se conçoit, en voyant l’inutilité de nos recherches, nous nettoyons de notre mieux la maison du maître. Les nouvelles voyagent vite chez les Indigènes et, avant que nous ayons achevé notre Mission, quelques jeunes gens Indigènes étaient là, suivant des yeux, notre travail. Enfin, l’un deux s’approcha, Il me demanda qui j’étais et ce que je faisais dans leur Eglise. Quand ils apprirent que j’allais dire la messe, le lendemain matin, dans cette Eglise puis, le dimanche, pour les quelques troupes qui se trouvaient dans la région, ils disparurent comme par enchantement. Quelques minutes après, nous entendîmes l’étrange sonnerie de cloches de bois, qui, retentissent, au loin se répétant en écho de distance en distance. Nous ne prêtons qu’une médiocre attention et achevèrent notre travail. Le lendemain matin, je suis parti de bonne heure pour prendre contact avec nos patrouilles dispersées dans la brousse. Nous n’avions fait encore que quelques milles dans l’intérieur, quand nous commencames a rencontrer des groupes d’Indigènes qui descendaient en hâte vers la côte. Peu après, un bon vieux, avec trois enfants, nous demanda où était le Prêtre. Ne me demandez pas comment il pouvait savoir que j’allais passer par là. Je n’ai encore pas trouvé de réponse à cette question. Très gravement, il m'explique, aidé par notre guide, qu’ils avaient cachés le tabernacle et qu’il voulait que je le vis. Là, nous vîmes, cachée dans la brousse, une chapelle rustique, dédiée à Saint-Michel, et, sur l’autel , le massif Tabernacle de la Mission. Peut-être le Saint-Sacrement était-il là ? Il n’y avait pas de clef . Emportant le Tabernacle nous nous hâtâmes de redescendre à la Mission. Soit- dit entre parenthèses, si vous voulez en prendre un peu à votre aise, n’essayez pas de suivre un Indigène sur une piste de brousse, surtout s’il a hâte d’arriver au but. Mais quel spectacle émouvant que la Mission, à mon retour ! Une foule immense d’Indigènes, homme, Femme, enfants, jeunes, vieux . Il y en avait qui avaient fait 20 milles pour venir à la Station . Les cloches de bois de la veille avaient porté le message au loin. Enfin, le Prêtre était arrivé à la Mission, le Saint Sacrifice allait être offert de nouveau. Les plus anciens se tenaient à la porte de l’église, pour me saluer, et, dans leurs mains, ils tenaient les Calices, Ciboires, Ostensoir, dont, la veille, j’avais pleuré la perte. Voyant leurs Missionnaires emmenés prisonniers, ils avaient eu soin d’emporter tous les objets dont ils connaissaient si bien la valeur. Ils me dirent qu’ils voulaient se confesser, Avec l’aide d’un Catéchiste Indigène, j’entendis 83 confessions, et je puis dire que je n’ai jamais vu de Pénitents mieux préparés, plus pieux et plus sincères. Combien ces Missionnaires, Martyrs, Prêtres et Sœurs, ont dû travailler pour arriver à de tels résultats. Mais de plus grandes surprises m'étaient réservées. Le soir, ils étaient encore là pour la prière à l’église, et ils récitaient en latin à la perfection, le Pater , l’Ave et le credo. Les femmes furent alors congédiées par le chef, et les hommes se regroupèrent devant l’église, autour des marches, pour me faire entendre leur chants. : Vieux chants Indigènes, chants en latin, chants de Noël, etc , quoiqu’ un peu déplacés au milieu d’un répertoire religieux, mais évidemment, à mon attention, la chanson Américaine exécutée en six parties: « she'll be Coming round the Mountain! ». Etaient-il aller la prendre de nos soldats en nouvelle Géorgie pour venir l’enseigner aux autres ? Ce soir-là, j'ai appris des Indigènes les détails de la conduite héroïque de leur Pasteur. Informés de l’arrivée imminente des Japonais, les Missionnaires envoyèrent les Indigènes de la Mission dans la montagne, sous la conduite et la protection d’un Capitaine Australien. Peu refusèrent absolument de s'éloigner. Ils étaient décidés à rester. L’estimant de leurs devoirs, comme il fallait s’y attendre, ils furent emmenés prisonniers et, avec eux, deux jeunes Indigènes, et ce sont ceux-ci qui m’ont raconté les faits. Des japonais exigèrent que l’un des Prêtres alla aux soldats de la Marine Américaine, alors à Lunga point , pour leur esquisser le tableau d’une irrésistible, arme Japonaise, de milliers d’hommes, avançant vers eux pour les annihiler , et leur faire comprendre que leur seule planche de salut, c’était de quitter en hâte, L’île de Guadalcanal.. L’autre Prêtre serait resté avec les deux Sœurs comme otage. Les Missionnaires refusèrent . Ils furent alors mis aux fers et privés de nourriture pendant une semaine. Comme si la faim pouvait briser de telles volontés. On les conduisit alors, cinq milles plus loin, dans la direction de Lunga point et là, ils furent soumis aux mêmes instances et menaces. Même refus. Hélas, sur cette plage, les Prêtres et les Sœurs, donnèrent leur vie, comme seuls des héros, peuvent la donner, pour Dieu et pour leur pays. La veille, les deux jeunes Indigènes avaient réussi à prendre la fuite pour aller dévoiler les projets des Japonais. Les soldats de la Marine étaient déjà en marche vers l’ennemi, et l’on peut croire qu’aucun de ces assassins échappa au châtiment.. A une petite distance de la plage, ensevelis dans une case Indigène, nous retrouvâmes leurs corps meurtris. Le jour suivant, je fus éveillé par la cloche de bois qui teintait l'Angélus: un vieil Indigène, heureux de rentrer dans ses fonctions, invitait les fidèles à chanter des louanges de Notre-Dame. À 8h, il y a eu encore les confessions des Indigènes qui n'avaient pu passer la veille. La Messe avait été annoncée pour neuf heures, mais à 8h30, on m’affirma que je pouvais commencer, tous étant arrivés . Ils savaient que tous étaient arrivés . Puis, nouvelle surprise : non, seulement les enfants de cœur, mais toute l’assemblée répondit aux prières dite au pied de l’hôtel, et non pas à peu près, mais d’une manière parfaite, sans jamais sauter une syllabe. Ils chantèrent le Kyrie , l’Ave Maria, l’Adorate . Après la messe, ce fut la bénédiction du très Saint sacrement. Le plein champ fut exécuté. Comme je ne l’ai entendu exécuter nulle part, sauf dans notre vieille église de St Mary's . Pour me mettre tout à fait à l’unisson, je lus les divines Louanges. Dans la langue Indigène simple, au moins à la lecture.Le dernier acte de la matinée fut le baptême d’un bébé Indigène de six mois. L’extase fut brusquement interrompue : le marmot noir, voyait pour la première fois un homme blanc, et cette expérience, dépasse ses forces. Les murs raisonnèrent de ses hurlements. et la pauvre marraine était fort embarrassée. Quelques instants après, je la vis administrer au coupable quelques coups de main fort bien placés. Enfin les cérémonies du dimanche matin étaient terminées et la population se met en route pour rejoindre leur village dans la montagne, Jamais je n’ai vu une foi si grande, jamais plus de ferveur et d’Amour que parmi ces Indigènes. Leur église n’est pas un lieu où l’on va en courant et où l’on s’en va à la hâte. La fin de la semaine appartient à Dieu, et ils la passe près de la maison de Dieu. Leur foi n’est pas entachée de superstition étrange : elle brille à leurs yeux, comme elle brillait aux yeux de Paul et de Thomas. Leur foi, c’est leur vie, et leurs pratiques religieuses, la joie de leur cœur. Ce fut pour moi et pour mes soldats catholiques qui assistèrent à la messe la preuve trop évidente de l’œuvre accomplie par nos Missionnaires. J’entendis tous les anciens enfants de cœur réciter ensemble les réponses liturgiques quand nous sommes rentrés, au bivouac et célébrons la Messe. Mais, malgré l’orgueil que je ressentais alors, je n’oserais pas dire que le latin de mes soldats était parfaitement conforme à celui du Missel. Mais je suis sûre qu’il y aura amélioration. L’histoire des Indigènes a fait le tour du camp. Une autre chose que vous serez heureux de savoir :l’œuvre Missionnaire aura toute autre importance dans l’esprit de ces hommes, quand l’heure de Dieu aura sonné de leur retour dans leur foyer. Après les Offices du dimanche, nous fîmes une marche de 5 milles le long de la côte pour atteindre enfin le lieu où avaient été ensevelis nos Missionnaires . Nous les enveloppons avec soin et, sur des brancards improvisés, nous les rapportâmes à la Station . Ce fut un trajet long et pénible, et, quand le soleil disparut à l’horizon, il nous restait encore un mille à faire. Nous nous arrêtâmes pour la nuit. Quelques Japonais étaient encore là, à rôder autour de nous, et de temps en temps la silhouette d’un passant se dessinait sur la pénombre. Le lendemain matin, de bonne heure, nous étions en route de nouveau. Les tombes avaient été creusées devant l’église : deux pour les Prêtres , du côté de l’Évangile, et deux pour les Sœurs, du côté de l’Epître. Mais d’abord, nous plaçons leurs corps, enveloppés d’un linceul de fortune devant l’hôtel, et je célébrai la messe de Requiem à leur intention.. L’affection profonde des Indigènes se manifestait d’une façon évidente, et les yeux de tous se mouillèrent de larmes quand nous descendîmes les corps dans les tombes et les couvrîmes de terre. A leur tour les Indigènes, couvrirent les tombes de fleurs et de branches vertes, et ils me promirent de revenir tous les samedis pour les orner de nouveau. Bien des fois, il me demandèrent de revenir, et ils auraient voulu savoir quand les Missionnaires eux-mêmes reviendraient pour rester. « bientôt ,leur dis-je , sûrement bientôt ! » T.P. Finnegan, aumônier, divisionnaire. Supérieur général le 3/05/1943, Sainte Foy- les- Lyon 3 mai 1943. Monsieur le curé, l’année dernière, une personne de Saint Lumine, Monsieur Beillevaire (monsieur ?… Madame ?… Je ne sais pas.) M’avait demandé par carte Interzone, des nouvelles d’une de nos Sœurs Missionnaires, Sœur Marie de Loyola, originaire de Paulx… N’ayant plus l’adresse de Monsieur Beillevaire, je me permets de vous adresser ,en vous priant de les transmettre à l’intéressé ,les nouvelles que je viens de recevoir concernant la sœur en question. Sœur Marie de Loyola a été évacuée des Salomon avec toutes les Sœurs de son Vicariat. Elle est maintenant en Nouvelle-Calédonie, et en bonne santé me dit-on. Que l’on soit donc tranquille à son sujet, car la Sœur sera certainement très bien là-bas, en pays français, et en famille, puisqu’elle est chez notre Sœur. Elle y aura même trouvé bon nombre de compatriotes Nantais : Pères et Sœurs, car il y en a plusieurs dans ce cher Vicariat qui fut le mien pendant 19 ans. Et comme c’est bon de pouvoir parler du cher pays Nantais entre compatriotes, lorsque l’on se retrouve à l’autre bout du monde ! Sans doute devinez-vous , monsieur le Curé, que je suis moi-même de la région Nantaise : oui, je suis de Chauvé. Depuis quatre ans, j’essaie de me réacclimater en France, mais c’est dur, surtout par ce triste temps où l’on ne peut même plus correspondre avec nos chères Missions. Nous avons cependant pu apprendre par la propagande Romaine, que deux de nos Sœurs avec les deux Pères Maristes avaient été tués par les Japonais : les quatre Missionnaires, la gorge transpercée à la baïonnette. Affreux ! Cela s’est passé précisément aux Salomon. C’est pour éviter de nouveaux malheurs que l’on s’est empressé d’évacuer les autres Sœurs. Mais quel désarroi dans ces pauvres Missions qui, après les grandes difficultés des débuts, commençaient à donner de belles espérances. Tout sera à refaire… Que de monde il nous faudrait pour relever ces ruines après la paix !… Aussi, Monsieur le Curé, je me permets de joindre à cette lettre, une petite notice de la Congrégation pour faire connaître un peu nos œuvres. Cela vous ferait une adresse à proposer pour le cas où vous vous trouviez en présence d’une vocation Missionnaire. En vous assurant de mes prières, je sollicite les vôtres pour nos chères Missions, et vous prie de croire, Monsieur le curé, à mes sentiments, très respectueux. Sœur Marie de Chantal -Supérieure Générale 1945 Heretanga le 20/11/1945 Mes bien chers Manuel,Marie p.,Marcelle, Manuelo et Marie Georgette. Tu peux deviner, mon cher Manuel, avec quelle joie, j’ai reçu ta longue lettre du 4 septembre 1945.Elle n’avait pris que trois semaines pour venir. C’est de la vitesse, en comparaison, du temps que prennent les autres. Elle détient le record. Mais aussi, en jetant un coup d’œil sur les timbres, j’ai pu voir que tu avais payé assez cher pour l’expédier. Que j’ai été contente aussi de trouver avec, les petites photos. Il y avait si longtemps que je ne vous avais pas vus tous. Marcelle à bien conservé ses traits de petite fille, et, je l’aurais reconnue je crois. Mais Manuelo paraît avoir beaucoup plus changé, Il est vrai que je ne peux guère en juger par les photos puisqu'il ne montre que la moitié de sa tête. Je ne suis pas contente avec lui, moi qui ne l'ai pas vu depuis sa photo de Première Communion. Il faudra m’en envoyer d’autres. Manuelo voudra bien me faire ce plaisir, j’espère. Il a grandi et s’est fortifié très vite. Quel fort garçon ce doit être pour peser un tel poids à son âge. Mais je crois qu’il va commencer à m’écrire, surtout lorsqu’il aura la soutane… La petite Marie- Georgette est bien mignonne et elle a en effet l’air d’un petit numéro, je ne saurais pas dire à qui elle ressemble. A qui trouvez- vous qu’elle ressemble vous ? Vous devez être heureux de l’avoir, elle doit mettre un peu de vie à la maison. J’ai aussi eu le plaisir de faire la connaissance de mon futur neveu, et même de sa maman. Il a une physionomie bien sympathique. Qu’en est-il de l’idée de Tanis? En tout cas, c’est une idée merveilleuse, et si cela pouvait arriver, je m’en réjouis bien, je serais si contente. Vous seriez tous en famille.Il y a sans doute rien de fait encore, d’ailleurs ils ne sont pas prêts tout de suite, lui étant encore soldat. Tanis est bien bon n’est-ce pas d’être prêt à leur laisser sa maison. Elle est en effet bien située pour un commerce. Vous direz à Bernard que j’ai été bien contente de le voir, mais je n’aurais pas reconnu dans ce beau grand monsieur : le petit Bernard, d’autrefois. Il n'a pas fini d’étudier s’il veut devenir médecin, mais avec de la volonté, et il réussit si bien, c’est encourageant, et c’est une profession bien honorable. Marie P. est bien silencieuse comme Drienne et Tanis , vous n’avez pas beaucoup changé , toi et Manuel . Les Sœurs ici, trouvaient que je ressemblais beaucoup plus à toi qu'à Manuel et mes deux sœurs . Et tu es coiffée à la mode, avec les longs cheveux, ou plutôt c’est Marcelle qui est au dernier cri avec les cheveux relevés comme les Dames, d’autrefois. Mais, ce qui est amusant, surtout lorsque nous sortons dans les rues de Wellington, ce sont les chapeaux. Ce doit être à peu près la même chose chez nous. Mais je le sais, vous ne vous souciez guère de tout cela, et moi encore moins. Ma lettre va sans doute vous arriver en retard avec mes vœux de Bonne Année, mais, je ne vous aurais point oubliés, vous le savez bien. J’ai attendu un peu, pensant que la lettre de Marcelle et de Manuelo allait m’arriver, vain espoir.… Est-ce que Marcelle est de retour à sa classe ? Manuelo doit être de nouveau au Couets pour jusqu’à Noël. Je suis contente qu’il ait bien réussi à ses examens, maintenant il arrive à un moment où nous avons besoin de prier pour qu’il persévère dans sa vocation. Durant ce mois consacré aux pauvres Défunts, j’ai bien pensé à nos chers Parents. Vous aussi, n’est-ce pas. Et puis, vous dites le chapelet, surtout maintenant qu’il y a de longues veillées. Est-ce que Marie- Georgette reste tard ? Elle n’a pas encore de leçons à apprendre ?Marcelle, je me souviens, ne plaisantait pas là-dessus. Le froid doit commencer à se faire sentir tandis qu’ ici c’est l’été qui commence, mais il ne fait jamais si chaud que « chez nous ». Ni si froid non plus. Et vous voyez, je suis toujours ici, en attendant , Monseigneur et les Pères font pourtant toutes les démarches possibles pour obtenir des places, mais rien n’est encore fixé, cela peut venir tout d’un coup cependant. Samedi dernier, nous avons eu notre bazar. Cela se fait chaque année à Aurora et ici en Nouvelle-Zélande. C’est un moyen dont on use beaucoup ici en Nouvelle-Zélande pour aider les Oeuvres , des Dames en avaient la direction et tenaient les comptoirs installés tout autour de la maison. Le profit était pour nous. Il faisait beau temps , il y avait beaucoup d’acheteurs, et les gens sont d’ailleurs très généreux. Comme j’avais quelques schilling, j’ai acheté deux petites croix, une pour Marcelle et une autre pour Marie- Georgette, j’en ai une dans ma lettre pour Marie- Georgette. Je pensais depuis, que cela ne dirait probablement pas grand-chose à Marcelle. Elle pourra peut-être la mettre à son collier. Ce sera un souvenir de sa petite Tante qui l’aime bien . Dites-lui que je lui demande de dire une petite prière pour moi chaque jour. Est-ce qu’elle a aimé les petites images que j’avais mises dans ma dernière lettre ?Je vais vous laisser pour aujourd’hui le premier de l’an approche, et j’ai plusieurs autres lettres à écrire, mais par la pensée et la prière, je vous suis bien unis chaque jour. Quand aurais-je le plaisir de vous lire à nouveau ? J’ai reçu deux lettres de Marie, une écrite en mai et l’autre en septembre, avec une petite photo d’elle, prise par surprise. Elle est assise dehors à une petite table avec ses bouquins, la photo n’est pas très nette, mais elle ne paraît pas avoir une grosse figure. Si Marcelle où Manuelo pouvaient en prendre d’autres. Je vous embrasse , à chacun votre tour en vous disant avec toute mon affection ; Bonne Année , Bonne Santé , le Paradis à la fin de vos jours. Toujours bien vôtre. Georgette– sœur Marie de Loyola, Mon affectueux bonjour à Fedo, dites lui que je prends part à sa peine et prie pour lui. J’espère qu’il se remet peu à peu des misères de sa captivité. À vous aussi, Jeanne, Samuel, etc. Est-ce que Bèbert est toujours à Nantes ? Je ne m’étonne pas trop de son silence avec l’infirmité dont il a déjà été atteint : les crampes à la main droite, est-ce qu’elles ont toujours tendance à revenir ?… Ce doit être la même chose pour Manuelo… Heretanga le 2/12/1945 Ma bien chère petite Marcelle, C’est le 21 novembre , jour de la Présentation , que ta lettre , la première, m'est arrivée. Tu devines avec quel plaisir je l'ai accueillie… et comme tu vois, elle est venue très vite . Je l’attendais , aussi lorsqu’après dîner on m’annonça qu’il y avait une lettre de France pour moi , je dis tout de suite , c’est Marcelle . Puis, jetant les yeux sur l’écriture , C’est Marcelle ou Marie ? C’est que, depuis si longtemps, j’avais oublié ton écriture , et je trouve qu’elle ressemble beaucoup à celle de Marie, une idée à moi, sans doute . Que j’étais contente de te lire, ma chère petite Marcelle . C’est que durant ces cinq, six longues années , si souvent, j’ai pensé à toi. Lorsque nous avons dû cesser de nous écrire , tu n’étais alors , qu’une grande écolière , et , depuis , bien souvent , je me suis demandée ce que tu devenais , Ce que tu allais faire et faut-il te le dire , oui, j’avais parfois pensé, que peut être, toi aussi , tu te ferais Religieuse, mais le Bon Dieu a ses vues . Et puisque tu as prié et demandé conseil, pour connaître ce qu’il voulait de toi , Je crois que c’est la Divine Providence qui a arrangé toutes choses pour toi et que c’est bien là que le Bon Dieu te veux d’ailleurs. Je suis bien persuadée qu’il y aura des pères et mères de familles qui seront de grands Saints au ciel . Je te remercie , ma bien chère Marcelle de m’avoir raconté tout cela , tu as répondu à des points d’interrogations que je m’étais souvent posés à ton sujet, cela , tu le sais bien par ma grande affection pour toi . Les sentiments que tu exprimes me font grand plaisir, puisque Jean est aussi un bon chrétien et que vous vous comprenez si bien , c’est déjà une garantie. J’ai confiance que tu seras heureuse et que le Bon Dieu ne manquera pas de vous donner les grâces dont vous aurez besoin .Tu penses bien que je ne vous oublierai pas toi et Jean . Le 27 ou le 29 ce sera donc un samedi ou un lundi , et le matin, à la Messe , je me promets d’offrir ma Communion pour vous deux . Tout le bonheur possible ici-bas , par la pensée, je serai avec vous tous, tu le penses bien , et du haut du ciel, oui, j’en suis sûre , Pépé et Mémé ne vous oublieront pas , ils étaient si bons, et ils t'aimaient tant . Tu te souviens bien d’eux, n’est ce pas ? Peut-être irez-vous voir marraine, et à moi, tu me raconteras comment tout s’est passé. Le mariage aura sans doute lieu à Saint Étienne. Tu ne le dis pas , qui sera ta demoiselle d’honneur? Marie- Georgette est trop petite…Les petites photos m’ont fait aussi un très grand plaisir . Les Sœurs, nous ne somme que quatre, ont dit que tu étais une « Nice looking girl » et que Jean avait une bonne figure sympathique . Il paraît très grand . J’étais fière, tu comprends de montrer ma grande nièce et mon futur neveu. . J’aime bien recevoir des photos et celles- ci sont bien. Ma chère Marcelle , je ne peux pas m’attarder plus longtemps car, sais- tu, cette fois , nous partons pour les Salomon. Nous sommes très contentes . Nous attendons cela depuis si longtemps. Nous serons sept d’ici à partir : Pères et Sœurs . Alors, tu peux penser si nous sommes busy à préparer nos malles et toutes choses, il y a tant à faire . Et c’est ennuyeux car on ne dit pas exactement quand le bateau partira . Puis, dans les temps actuels , c’est si vite changé . Cela peut être la semaine prochaine , comme aussi dans quatre ou cinq semaines , mais nous devons nous tenir prêtes , au cas où un avertissement arriverait . Alors , il ne faudra pas vous étonner si je suis peut être quelque temps sans vous écrire , et je crois que désormais, vous pourrez adresser vos lettres directement aux Salomon . Tu pourras le dire à toute la famille n’est ce pas . Je te mets dans ma lettre deux feuilles dans lesquelles , une Soeur raconte quelques unes de leurs histoires , pendant l’occupation Japonaise, pensant que cela pourrait vous intéresser , c’est des Salomon du Nord, mais, c’est des Salomon du sud que j’aimerais vous en envoyer, mais pour le moment, je n’arrive pas à le trouver . Plus tard j’espère, car vois- tu ces histoires ont été écrites peu de temps après notre évacuation , et à ce moment-là, c’eut été tout à fait inutile de vous les envoyer . Mes lettres ne vous seraient pas parvenues, mais je vous en parlerai plus tard . C’est de l’anglais, mais j’ai pensé que tu pourrais le déchiffrer …. Je ne sais pas si vous serez déjà installés à saint Lumine , alors, j’adresse au Pey , on vous l’enverra . Que je suis contente que vous alliez habiter là- bas . Vous serez ainsi, tous en famille . Je n’ai pas encore reçu la lettre que tu disais avoir envoyé avant celle-ci. Mais , j’espère qu’elle va m’arriver un de ces jours. Je te mets une petite croix , et une médaille pour Jean. Il pourra la mettre à son chapelet , s’il ne la porte pas au cou. C’est maigre ,comme cadeau de noces , n’est ce pas !!… Est ce que Manuelo m’a écrit? Je vais peut-être lui envoyer une carte aux Couets pour le relancer .Alors, au revoir , ma bien chère Marcelle . Embrasse Jean pour moi (je n’ai pas peur que tu y manques) dis- lui que je suis bien contente d’avoir un neveu de plus et que je l’aime déjà bien . Embrasse Marie- Georgette aussi et tu lui donneras la carte que j’ai mise pour elle . Tante Drienne , Tonton Tanis si tu es déjà près d’eux, et papa et maman quand tu les verras , Tu donneras de mes nouvelles à marraine. En voilà des commissions , n’est ce pas !!. Je n’ai que la place de te dire Au revoir . Prie pour moi toi aussi chère Marcelle , par la pensée et la prière je vous reste bien unie . tante Georgette . Vous devez penser aux préparations; ce sera tout un business . Tonton Tanis et tante Drienne de déménager et vous, de vous installer , vous allez être très occupés , vous me raconterez cela. N’est ce pas du chic papier … ce sont des jeunes filles Américaines en service durant la guerre qui nous l’ont envoyé , …n’est ce pas gentil .