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Lettre 5 : Ruavatu le 2/06/1936 Ma chère Drienne , mon cher Tanis , Comme je sais les communications assez fréquentes et faciles , entre le Pey et St Lumine , ou peut-être plutôt entre St Lumine et le Pey , je mets le tout sous la même enveloppe , je pense que vous ne serez jamais bien longtemps sans vous voir . Vous savez quel est mon plaisir à chacune de vos lettres . Cette fois j’ai été contente de trouver avec elle , celle de Manuel, Tanis du 2 Mars et celle de Drienne . Depuis ce temps que devenez-vous tous deux ? Est ce fini ton mal de dents Tanis ? Et toi ma pauvre Drienne , te voilà infirmière ! Pauvre tonton Edouard ! Il doit probablement bien souffrir avec toutes ces opérations et à son âge . Vous allez être bien occupés pendant un bon moment. Avec les beaux jours , vous avez les travaux des champs , mais peut être trouvez vous à vous faire aider un peu ? Avez- vous commencé les foins ? Quel trafic de chevaux faites-vous donc ? Si Célinou est presqu’aveugle ça ne doit pas être très pratique . Pauvre de vous! Nous allons transpirer un peu ensemble tiens!, Ici, les jours diminuent maintenant et la chaleur est un peu moins forte , mais c’est tenable .Il est des jours ou c’est vrai , c’est très pénible , mais j’avais tellement entendu parler de la chaleur des Salomon , que vraiment je n’en ai pas été étonnée , j’attendais pire que cela . C’est bien souvent que je vais vous retrouver au milieu de tous vos petits travaux que je connais si bien . Ah ! Une petite tournée en Loire Inférieure en plusieurs petits coins est vite faite , et cela sans un penny , sans la moindre sensation de mal de mer ! Quel moyen pratique de locomotion ! N’est ce pas … Quand vous parlez de vous mettre au lit , quand Tanis y est peut être déjà.. et que toi Drienne tu prépare sa petite tasse d’infusion …(c’est pour te faire parler Tanis , que je dis cela . Tu serais capable de m’en écrire sur le coup …et puis , tu ne manqueras pas de me prendre le nez avec les pincettes, comme tu as si aimablement essayé de me faire quelques fois !…) Nous sommes debout depuis un moment , Notre prière est faite et notre méditation , la messe est finie , nous avons pris notre déjeuner et, je suis en classe au milieu de ma petite bande , dont les plus jeunes : six ans, s’échelonnent jusqu’à treize et quatorze ans . Je connais suffisamment la langue maintenant pour me débrouiller avec elles . Chaque matin, nous leur faisons classe de lecture , puis d’écriture . Les petites qui commencent sur l’ardoise , celles qui savent déjà un peu , sur le cahier , alors je vais de l’une à l’autre , traçant des lignes avec la règle . Commençant quelques modèles , guidant les petites mains brunes . Il est une chose que je dois souvent leur rappeler car elles oublieraient facilement: ” vos mains sont propres ?” “ Vous vous êtes lavées avant la classe ?” “Oui Sita” , et debout, elles me montrent leurs mains grandes ouvertes, si quelques-unes baissent la tête je les envoie …”va te laver”, Des petites , aux plus grandes , nous faisons un peu d’anglais . Il en est quelques-unes qui apprennent assez vite , mais en général ce sont des oiseaux qui ne savent ni penser …oh ! Pas de danger qu’elles ne se fatiguent trop les méninges, mais parlez leur de pique- nique , c’est tout ce qu’il y a de plus intéressant et de plus captivant. Elles ont classe de couture un petit moment , nous leur apprenons à faire leurs habits.. ah ! Vous savez , j’ai de bonnes ouvrières . Il faut de la patience pourtant , elles y mettent de la bonne volonté c’est ce qui me fait plaisir . Ces jours-ci je fais des pantalons au Père Graton . Je croyais ne plus m’en rappeler, il y a si longtemps que je n’en avais fait, pas depuis les tiens Tanis , ou ceux de Papa et de Manuel , mais j'en ai eu un ” très bien” quand même . A 5h nous avons classe de catéchisme : de temps en temps je prends le grand catéchisme en images . Oh alors, elles sont attentives et ouvrent de grands yeux , mais autrement il n’est pas toujours facile d’obtenir silence avec mes trop indisciplinées petites élèves . Il me faut étudier mon petit monde , et quand j’en vois quelques unes l’esprit ailleurs ou qui s’amusent , je ne dis rien, mais c’est celles que bien vite j’interroge , et alors elles font une si drôle de tête , un air si attrapée que souvent j’ai autant envie de rire que de me fâcher , pourtant je tâche de ne pas leur montrer . Naturellement, tout est à faire , nous avons non seulement à leur apprendre à lire et à écrire , mais à les éduquer un peu.Avec celles que nous prenons toutes petites nous y arrivons assez facilement , elles savent très bien qu’elles n’obtiendront rien sans “please” en anglais qui veut dire svp et « thank you » merci .Le soir avant la prière du coucher, elles viennent gentiment nous dire “good Night » bonsoir. Voilà, à part les choses imprévues (ce qui arrive de temps en temps) nos travaux de chaque jour . Entre les heures de classe, nous avons: l’une le travail de l’église , l’autre la cuisine. Nos Salomonais sont bien les gens les plus détachés des biens de ce monde , les soucis des affaires , encore bien moins de la politique , et pareil du travail , les laissent dans le calme et la paix la plus parfaite .Quel contraste avec la vie si agitée , si intense, de nos européens .Je ne peux m'empêcher d’y penser souvent . A ce propos, que va-t-il se passer ?Me et Mr Benne sont venus nous voir vendredi après midi et nous ont donné des nouvelles bien peu rassurantes , lus dans des journaux anglais , les dernières élections ont été très mauvaises, et 25 communistes à la chambre , et comme ministre Blum!! L’infâme Blum! Un juif franc maçon et le pire communiste .Voilà tout ce qu’on a trouvé de mieux comme remplaçant . Vraiment faudra-t-il voir en France les choses affreuses qui se passent en ce moment en Russie ? Lettre 6 : Votre blé est- il fini de ramasser ? Papa a dû se lamenter encore plus d’une fois! Êtes-vous contents de vos récoltes ? C’est bien des fois par jour que je pense à vous. Nous venons de passer quelques semaines bien occupées par les préparatifs de la Confirmation . C’était le jour de la mi-août qui est notre fête patronale à Ruavatu. Monseigneur est arrivé ici, deux jours avant la cérémonie, et nous a amené des visites : un Père et deux Sœurs de Visalé dont l’une est de Chemeré. Cela faisait toute une famille. Mais vous pensez si nous avions à faire , car il fallait s’occuper de l’église, des enfants, et faire la cuisine pour tout ce monde . En plus, le lendemain, nous avions à dîner nos voisins, la famille de Blanc très amis de Monseigneur. Ils sont bien bon pour nous. Ce sont des nobles de Russie, lui est fils de général. Ils ont dû fuir pendant la persécution. Nous avons eu une très belle fête de Confirmation. La veille, nos Indigènes se sont pressés de décorer les rues du bourg, à placer les jolis petits drapeaux et banderoles, jamais le pays n’avait été si beau . Notre église : les garçons étaient allés nous chercher les plus jolies plantes et fleurs , les gens paraissaient bien disposés, et pour une fois, notre église était remplie pour la grand-messe, la cérémonie était presque tout de suite après. La veille, il y a eu trois Baptêmes d’adultes et nous avions 45 Confirmants . J’avais presque envie de pleurer, en les voyant défiler devant Monseigneur revêtu de ses ornements Pontificaux, l’air si digne , mais si bon et paternel. Je ne l’avais pas encore vu dans ses fonctions. Après la cérémonie , réception chez les Pères , puis chants par les Indigènes : Les garçons, l’après-midi, c’était chez nous. Les filles ont exécutée la danse au ballet, mouvement d’ensemble, avec chants , une partie en anglais et une partie en Salomon. Elles s’en sont assez bien tiré . Monseigneur était très content. Le soir après souper, feu d’artifice. Tout le monde était joyeux et content de cette bonne journée. Prier un peu pour nos nouveaux Chrétiens, pour nos Confirmés,. Monseigneur est reparti deux jours après. Et maintenant nous sommes presque seuls. Cette semaine presque tous nos enfants partent en vacances. Ils n'en avaient pas encore eu cette année. Les parents étaient heureux de les emmener. Il nous en reste quatre ou cinq seulement qui sont venus nous demander si nous voulions qu’elles restent avec nous . Elles nous rendent bien des petits services . Cela fait un grand changement depuis que tout ce petit monde est parti. Nous sommes si tranquilles tout d’un coup . C’est un peu les vacances pour nous aussi.Mais je vous laisse tout de même pour ce soir ma lettre va devenir un vrai journal. Écrivez-moi le plus que vous pouvez et dites-moi bien toutes les petites choses de « chez nous ». Surtout comment vont maman et dada. Je vous embrasse bien tous et vous reste toujours uni dans la prière . Bien à vous Georgette. J’espère une lettre de ma marraine bientôt, dites-le lui. Dites-leur que je pense bien à eux. Donnez-moi quand vous m’écrivez des nouvelles de Marie Voisin. Pauvre voisine, elle a bien des misères. Elle aussi. Mon bien affectueux souvenirs a tante Henriette, Samuel Lettre 7 : Ruavatu le 13/07/1936 Ma chère Drienne , mon cher Tanis, Que je suis contente de trouver ce petit moment , je me demandais si j’allais pouvoir vous écrire cette fois . « Chez nous » on vous passera bien celle que je leur envoie , mais quand même, j’aime aussi vous faire ma petite visite à vous deux . Même si ce n’est pour vous dire de ces petits riens , lesquels vous saurez deviner, ce que de pauvres mots ça ment bien trop mal, toute la tendresse et l’affection d’une petite sœurette . Et puis vous vous trouvez ainsi presque dans l’obligation de me répondre sans cela qui sait ..A chaque distribution de courrier je cherche mes trois directions principales quand elles y sont je suis tranquille : le Pey . Saint Lumine , Sainte Marie de Torfou , les autres me font beaucoup de plaisir oui, mais ce n’est pas la même chose . Je n’ai pas besoin de vous dire mon plaisir en trouvant vos deux lettres , la première celle de Tanis du 16 avril avec celle de Soeur Marie Sylvia .Tu m’as fait beaucoup plaisir mon Tanis en lui écrivant ce petit mot , c’est encore toi le plus gentil, tiens ! j’aurais été ennuyée que vous tardiez trop à lui répondre ! Et je connais « chez nous » quand il s’agit d’écrire à des inconnus ! Mais songez que nous sommes que toutes deux , toujours ensemble et vous ne pouvez la considérer tout à fait comme une étrangère , n’est ce pas . Elle l’a fait pour vous faire plaisir . Elle est bien familière et me demande toujours de vos nouvelles. Pour moi elle est très gentille et me fait office de petite mère , et le Père Graton de grand père , de bon Frère aussi , j’ai vu combien ton petit mot lui faisait plaisir Tanis. Elle m’a recommandé de bien te remercier . J’ai ri malgré ton malheur tu sais , Tanis, en lisant ta lettre et celle de Mme Levesque ..quoi ! vous vous disputez encore !…heureusement c’est signe d’amitié , tu sais . Cela me rappelait celles de saint Lumine , autrefois, et ça m’amuse encore quand j’y pense ,tu te « rebiffais » pourtant quelquefois et quand tu disais “ dame “” hum” tu paraissais prêt à te fâcher, puis tu terminais la discussion par un bon rire . C’est ce que tu as dû faire encore cette fois, j’espère . Il est bien toujours le même , il se crée des occupations pour deux, il lui faudrait une santé de fer et par moment, il ne peut plus , il ne sera toujours pas malade pour garder sa « bile » : il la sort au moins . Tu sais qu’au fond, il est bien bon quand même , je prends sa défense tu vois , mais la tienne aussi mon Tanis. Il ne vient pas souvent à saint Lumine, allez-donc le voir vous deux . Mais oui, achète toi une auto , il y a longtemps que je te le dis . Et toi Drienne que dis- tu de cela? J’ai été étonnée comme ta lettre a fait de la vitesse , si bien que je me suis demandée si tu ne t’étais pas trompée de date du 25 mai ..et elle m’est arrivée le 7 juillet ..toutes les autres que j’ai reçu étaient d’avril . Comment va tonton Edouard ? Comme il doit souffrir avec tout cela , et à son âge il faut qu’il ait du courage . Et vous voilà en deuil de deux tantes , la pauvre tante de la robrie a dû avoir de la peine à se décider à partir de Nantes , et si elle avait un cancer , c’est terrible, votre tonton Auguste reste seul chez lui . Ainsi est la vie , nous passons et disparaissons à chacun notre tour. Elle serait bien triste s’il n’y avait le ciel . Elle est courte malgré les plus longues années , elle est courte aussi , puisque par elle nous gagnons le ciel, mais elle est longue , oh mon Dieu , pour ceux qui s’aiment et sont séparés. J’espère que vous allez bien tous deux , vous devez être bien occupés vous aussi , mi- juillet bientôt , vous avez fini les foins sans doute , votre nouveau cheval marche bien ? Ce sont des mois de dur travail pour vous et je pense souvent à vous , s’il fait le temps d’ici, ce ne serait pas votre affaire . Il pleut presque tous les jours depuis plus de trois semaines , mais ça ne dérange rien pour nos récoltes , les plantations n’en ressentent aucun dommage et à moins qu’il ne pleuve tout à fait trop , elles poussent mieux au contraire , les cocos tombent un peu plus c’est tout . A cause du mauvais temps peut-être , depuis quelques jours une épidémie de grippe , heureusement pas très grave , sévit dans le pays : la toux et un peu de fièvre . Tous les enfants y sont passés. Chaque soir nous mettions les couches de teinture d’iode et leur donnions des potions pour la température . Heureusement nous venions de recevoir toute une caisse de médicaments de l’hôpital de Tulage .Ça tombait à point , le Docteur nous en donne de temps en temps . Mais il me faut m’arrêter car le Père part demain matin pour Tulagi, et il envoie un boy demander si nos lettres sont prêtes ce soir à lui donner , il les emportera. Au revoir mes bien chers tous deux , priez un peu pour moi comme je le fais pour vous .Écrivez-moi le plus que vous pouvez et parlez-moi de tout ce que vous faites . C'est bien souvent que je vais vous retrouver dans vos occupations qui me sont si familières . Bonjour et bonne santé à Marie , une bise à jeannette la filleule et à vous tous, mes tendresses Votre petite sœur Georgette S’est-il payé une auto Mr Bonnet ? Vous êtes allés à l’ordination au moins , hein Tanis? Me revoilà : Oui, le Père Graton n’a pas pu embarquer comme il en avait l’intention , la mer est trop mauvaise , et comme ma lettre n’est pas encore partie je viens vous dire un petit bonjour. Tout va bien . Il est bientôt 5 heures . Je viens de finir un gros repassage , le linge de l’église , rien de bien nouveau depuis dimanche . Ce matin nous avons souhaité la fête du Père Graton . Il est venu chez nous et les filles lui ont chanté quelque chose que nous avions préparé pour la circonstance . Il voulait partir presque la veille et les enfants n’étaient pas contentes . Son Saint patron s’est mis de notre partie et l’a arrêté de partir … ils étaient tous fiers de lui présenter une belle gerbe de fleurs . Il nous a promis une promenade en bateau . Je pense qu’il pourra partir demain matin j’espère. Je vous embrasse bien fort mes tous deux Lettre 8 : Ruavatu vingt trois août 1936 / Sœur Marie Sylvia Cher Monsieur, Je suis moi-même heureuse que la lettre envoyée avec celle de Sœur Marie Loyola vous a fait plaisir … elle vous écrit longuement et je ne doute pas qu'elle fait tout en son pouvoir pour adoucir le sacrifice que causa son départ …nous savons cela, et pour les siens l’affection augmente semble-t-il avec la distance …mais il y va de la cause de Dieu et du salut des Ames … aussi de part et d’autre, la grâce Divine est-elle proportionnée ? Sœur Marie Loyola doit vous relater que la Confirmation était donnée par Monseigneur Aubin : celui- là même qui fut le Fondateur et le Supérieur de notre Station pendant 14 ans … Aussi a-t-il un faible pour ses Ruavatu …avec lesquels il eut beaucoup à souffrir mais qu’il aime d’autant plus . Lorsque vous recevrez cette lettre , veuillez transmettre mes meilleurs sentiments à toute votre famille spécialement au papa et à la maman de sœur Marie Loyola .Sa santé est bonne … elle a des fièvres inévitables de temps en temps .. mais je la crois cependant acclimatée maintenant… en somme puisque nous devons nécessairement avoir cette fièvre des Salomon . C’est paraît-il préférable de l’avoir au commencement . Et puis à cela comme au reste , on s’habitue …. Et c’est bien peu de choses à côté de toute cette agglomération de souffrances qu’il y a de part le monde … C'est d’ailleurs ce qui a le plus de valeur pour le rachat des Ames que nous sommes appelés à sauver … Actuellement nous sommes trois à Ruavatu et trois Nantaises puisque sœur Marie Xavier est de Chemèré . Elle doit rester avec nous jusqu’à notre Retraite qui sera au commencement d’octobre à Viratu . Merci des prières que vous faites tous pour nous . Veuillez agréer l’assurance de mes sentiments religieux . En jmj sœur Marie Sylvia. Lettre 9 : Mes chers parents , mes bien chers Manuel, Marie P ,Tanis, Drienne ,mon petit Manuelo C’est de Visalé, et au milieu de bien des distractions que je vous écris ce matin, nous sommes au lendemain de la clôture de la Retraite et après ces quelques jours de silence , les langues s’en donnent à cœur joie . Vous comprenez , et ce n’est pas étonnant , beaucoup ne se sont pas vues depuis deux ans , nous sommes 25 Sœurs réunies et on en trouve dans tous les coins de la maison . Nous sommes arrivées vendredi soir , quelques-unes étaient déjà là , les autres , les dernières , les plus loin aussi, sont arrivées dimanche soir . Par exemple Sœur Marie Odilia du fond de son Makira . La Retraite commençait le lendemain lundi 12 , le prédicateur l’un de nos Père était très intéressant, ses instructions très pratiques . Monseigneur venait chaque jour à trois heure nous donner une conférence très bien aussi . Dimanche, jour de clôture nous avions messe et Bénédictions Pontificales. Monseigneur avait revêtu le « capamagna » à longue traîne pour la première fois ici, dans la soirée renouvellement des vœux et consécration à la Sainte Vierge , c’est moi que l’on a désigné pour la faire . Puis nous y sommes tous allés , ils étaient venus quelques uns amener leur Sœurs à la demeure de Monseigneur et avant de partir , il nous a tous bénis . Ces quelques jours sont passés bien vite . J’ai beaucoup prié pour vous tous vous le pensez bien , près du bon Dieu , je lui parlais de chacun de vous que j’aime tant . J’ai beaucoup aimé notre Retraite , elle a fait du bien pour le corps , mais surtout pour l’Âme , qui refait provision de courage , et pour mieux s’unir au Bon Dieu au milieu de nombreuses préoccupations qui sont la vie journalière du Missionnaire . Je vous avais dit dans ma dernière lettre que je n’avais rien eu au dernier courrier , et voilà qu’ hier soir à mon grand plaisir , on vient m’en apporter trois , une de « chez nous » , une de Tanis , et la troisième de Marie . Enfin… Mais elle n’est pas de fraîche dâte , du 6 juillet , je voudrais bien savoir ce qu’elle devient depuis le 8 septembre , si elle est encore à Torfou . La petite lettre de Marcelle et celle de Tanis m’ont fait aussi grand plaisir . Je pensais que maman et dada auraient ajouté un petit mot. Je vais croire que tu ne m’aimes plus , mon petit Manuelo , tu sais , si tu ne veux pas m’écrire… tu as beaucoup de choses à me raconter de « chez nous » et puis, ce que tu fais à l’ école m’intéresse … qu’est ce que tu apprends dans la grande école ? Je suis contente que maman va bien maintenant . Mais qu’elle veille bien a suivre son régime . Es-tu allée voir Marie le 8 septembre ? Qui est allé encore ? Avez- vous bientôt fini le labour ? Ici il fait très chaud ces jours- ci. C’est d’ailleurs Visalé le coin le plus chaud du Vicariat , et je suis obligée de mettre un papier buvard sous la main qui vous écrit sans quoi… la sueur ferait du propre . Et maintenant , je viens vous annoncer une nouvelle qui m’a bien surprise , bonne , mauvaise, je ne sais pas trop vous dire . Bonne certainement , car c’est le bon Dieu qui le veut comme cela , et il ne fait que ce qui nous est le meilleur . Voilà, dimanche soir on a fait quelques changements , cela doit forcément arriver de temps en temps , car il y a plusieurs anciennes Sœurs plus ou moins fatiguées que l’on envoie se reposer et j’ai été nommée pour Avuavu, ou Monseigneur me charge de l’école des filles qui sont presque aussi nombreuses qu’ici . Les deux autres sœurs trop âgées pour s’en occuper . Je ne change même pas d’île , c’est toujours Guadalcanal . C’est la Station voisine de Vuanatu mais alors, vous vous adresserez à Avuavu . Ça ne change pas de langue , ce qui est bien appréciable . Mais il y a une chose qui me fait de la peine pour vous c’est que les courriers ne sont peut être pas si fréquents ni si réguliers , je vous le dis dès maintenant pour ne pas que vous vous inquiétez si vous étiez plus longtemps sans avoir de lettres . Monseigneur est venu hier après-midi nous voir . Il m’a pris à l’écart pour me demander ce que je disais de ma nouvelle destination et malgré moi , les larmes me sont venues aux yeux , ce qu’il a vu . Alors, au lieu de me gronder , comme je le méritais un peu, il m’a dit “venez me voir demain, voulez vous » J’en reviens maintenant et je suis bien contente . Il m’a assuré que je serais bien là- bas , et m’a demandé ce que je craignais et si quelque chose me faisait peur . Il m’a demandé de vos nouvelles de vous tous , et comme je lui disais que je ne savais pas quand je pourrais vous écrire , c’est lui qui m’a dit de le faire maintenant et de lui laisser les lettres au cas où je ne pourrais pas tout de suite. Qu’il les enverrait . Dites leur que vous changez, comme si vous partiez de saint Étienne à saint Nazaire , mais les courriers sont moins réguliers . Il disait aussi que le Vicariat des Salomon du sud pouvait représenter à peu près comme un diocèse , le diocèse de Nantes par exemple . Quel bon Monseigneur nous avons . Il pense aux plus petits détails pour nous , c’est comme une maman . Si ses Missionnaires sont malheureux ce ne sera pas de sa faute . Ce soir , commence la débandade , les unes partent dès ce soir pour leur Station, d’autres demain dont moi, Sœur Marie Odilia est là à côté de moi . Nous bavardons un peu tout en écrivant , nous ne nous reverrons pas tout de suite . Et maintenant , il me faut vous laisser , J'écris aussi à Marie, Marcelle doit être de retour là- bas . Tanis me dit que bèbert était nommé à Guernesey . Qui aurait pensé qu’il irait se perdre dans ce coin là bas .Comme aumônier , mais aumônier d’un institut de qui ? Vous êtes bref dans les nouvelles que vous me donnez . N'était-il point trop ému en donnant son premier sermon à Paulx ? A-t-il prêché aussi à Saint Étienne ? Écrivez-moi le plus que vous pourrez et vous aussi, Tanis et Drienne . Je vous écrirai quand je serai arrivée à Avuavu . Comment vas t-on à la Martinière ? Ma marraine ne m’écrit plus .Je vous embrasse et toute mon affection . Et prie chaque jour pour vous . Georgette , sœur Marie Loyola Vous savez si Mr Levesque va bien maintenant ? Dès maintenant je vous dis à tous ma joyeuse et sainte année, que Dieu vous bénisse . Lettre 10 : Avuavu le 8/11/1936 Mes biens chers parents, mes biens chers tous , Comme je vous l’annonçais dans ma lettre de Visalé, me voila à Avuavu et viens vous y retrouver . Peut-être nous recevrons les deux ensemble . Dès le surlendemain de la Retraite , commença la débandade le premier embarquement : les Pères de chaque Station ont tous un petit bateau , les autres , j’étais du nombre, suivirent peu après. Chacune regagnant son poste celui d’Avuavu dans celui qui nous ramenait , nous étions cinq Sœurs et trois Pères , car tous les bateaux n’étaient pas venus . Les plus loins en avaient pris d’autres au passage . Le voyage fut très gai , il n’était pas d’ailleurs bien long , bien qu’on l’eut allongé un peu pour voir la Station de Tangarare . Là, nous nous sommes arrêtées tout un après-midi , puis , nous avons repris le chemin d’Avuavu, ou nous sommes arrivées par une mer très calme . Les enfants avaient aperçu le bateau et nous attendaient au rivage avec de grandes démonstrations de plaisir des « oh..Homi..maman » nous en avions gardé quelques-unes pour traire les vaches et faire le travail . Je me trouve encore ici , avec des compatriotes , ou presque , une des Sœurs est Nantaise de Cambon et les 2 Pères , un très ancien : le Père Boudart est de Vannes et le Père Courtais , depuis peu en Mission, est d’Angers . Il est parti se promener le lendemain de notre arrivée , Monseigneur lui ayant offert de faire une tournée avec lui pour voir les autres Stations , il a naturellement accepté avec plaisir . On nous bâtit une Eglise , l’autre tombait en ruine . Avec Visalé c’est la première fondée aux Salomon . Un Frère est chargé des travaux , il a avec lui toute une troupe d’ouvriers , mais ce sont des apprentis , et il a fort à faire je vous assure . Les gens sont ici assez bien disposés pour la religion , nous avons paraît-il plus de 1500 Catholiques , et nous aurions près de 100 enfants à l’école , si nous n’étions obligés d’en refuser ou d’en renvoyer , faute de ne pouvoir les nourrir . Nous n’avons pas assez de plantations pour le moment et le riz est coûteux à faire venir de Sydney c’est triste , cela nous fait beaucoup de peine . Toute neuve aussi est notre maison , on l’a presque toute refaite l’année dernière elle est mieux , plus grande qu’ à Ruavatu . Nous avons quatre chambres à coucher avec un couloir au milieu , le réfectoire , une plus grande pièce et la cuisine . La station est assez jolie , située tout près de la mer , et avec devant une belle grande plage , en arrière ce sont les hautes montagnes . Je m’en suis approchée, à Ruavatu elles étaient assez loin . Nous pourrons faire des ascensions les jours de promenade avec les enfants . Je ne suis pas encore allée loin , il y a eu la fête de la Toussaint et alors beaucoup de travail, quelques jours avant , on voyait les gens arriver des villages , par petits groupes pour la fête . Notre petit bourg était animé avec tout ce monde . Puis ils venaient nous voir , ça n’en finissait pas . Nous avions une grand- messe et j’en ai eu une émotion : le Père Courtais qui jouait et s’occupait des chants était absent , figurez- vous que le Père Soudard a voulu que j’entonne… et encore , il est venu nous dire cela la veille au soir, nous avions juste le temps d’exercer un peu les enfants après souper . Le commencement a assez bien marché , puis je me suis perdue au “Sanctus “… on a continué quand même . Mais nous avons ri ensuite toutes les trois . Et je pense que le Bon Dieu aura été content quand même . Le lendemain il y avait procession au cimetière . J’ai bien prié pour vous en ces jours de fête. Je pensais au bonheur que nous aurons de nous retrouver là- haut . Sans jamais plus avoir à craindre de séparation . Oh.. alors, les souffrances de maintenant , ces petites peines qui nous semblent parfois si lourdes , ne nous paraîtrons pas acheter trop cher ce bonheur .Que nous soyons heureux, oui maintenant , mais surtout que nous le soyons tous là-haut réunis au complet . Je l’ai demandé ardemment à notre Seigneur . Comment allez-vous depuis la bonne petite lettre de Marcelle d’août ? Comment va maman ? J’ai bien envie de la gronder et Dada aussi , qui n’ont pas daigné me mettre un petit mot . Mais j’espère que tu n’y manqueras pas avant la fin des vacances et j’espère que ce sera pour la prochaine que je recevrai ; tu avais repris le chemin de l’école avec ton vélo ? Je voudrais bien savoir ce que tu apprends maintenant , qu’est ce que tu aimes mieux faire ? Aimes-tu le calcul ? Moi j’aimerais pas . As-tu gagné des places? Tu me raconteras cela bientôt , n’est ce pas . Le froid va commencer à se faire sentir ! Ici, c’est tout le contraire et bien que ce que nous appellerions hiver, n’en soit pas un de neige et de glace mais , il y a cependant une différence et la chaleur redouble maintenant de plus belle . Nous transpirons toute la journée , mais à cela comme au reste , on s’habitue . Les enfants doivent rentrer la semaine prochaine , les classes vont recommencer , mais même sans cela , le travail ne nous manque pas quand même…Les Sœurs me disaient en riant quand je suis arrivée qu’il y avait quatorze pantalons qui m’attendaient, et c’est vrai nous avons les Pères et un Frère à entretenir , puis il y a aussi le lavage et le repassage du linge d’église . Je suis déjà habituée à ma nouvelle Station, toutes à peu près semblables , les deux Sœurs sont de bonnes mamans. Elles se font vieilles et elles étaient contentes d’emmener une jeune Sœur. Elles ont l’une 25 et l'autre 28 ans de Mission . Ce sont les pionnières des Salomon . Et maintenant, il me faut vous laisser mais avant, comme je suis la plus loin et que je voudrais quand même être avec vous pour ces fêtes, je prends les devant et vous envoie tous mes vœux, de nouveau… Avec tout mon cœur , je viens vous dire comme autrefois . Bonne année, bonne santé , et le paradis à la fin de vos jours , ce sont les meilleurs je crois . Je demande au bon Dieu de vous combler de ses bénédictions . La lettre de Marcelle me disant que maman allait bien , m’a enlevé un gros souci , mais soigne toi bien ma chère maman, suis bien ton régime . Écris-moi quelques lignes pour me dire comment tu vas . Mes vœux et mon bien affectueux souvenir aux parents , a vous tous mes tendresses . Je me demande où se trouve Marie , il me tarde bien de savoir si elle est encore à Torfou . Je me mets à lui écrire . Donnez-moi de vos nouvelles , le plus que vous pourrez ; comme je le fais moi même souvent , vous recevez bien j’espère . Je vous laisse bien vite , j’ai plusieurs lettres à écrire pour le premier de l’an. Au revoir , je vous embrasse de tout cœur. Georgette , sœur Marie de Loyola Comment va Samuel, dans ce fond de Possardière ? Comment va-t-on chez tante Henriette , Marie Voisine s’est- elle bien remise ? Lettre 11 : Ou jamais je ne les avais vu si attentive. Il est bientôt quatre heures, et je suis à penser que « chez nous » à cette saison, la nuit tombe déjà. Tandis qu‘ici il fera encore jour longtemps. C’est les longs jours. Il me semble vous voir encore tous deux, faire votre petite popote et moi j’aimais bien autrefois venir vous y trouver, j’étais toujours contente de passer quelques jours à votre « home » Nous étions bien ensemble, nous étions heureux tout à fait n’est-ce pas ? Es-tu riche en poulets Drienne ? Avez-vous toujours « boulot »? Ici, les Pères en ont deux, chacun le leur. Mais ce ne sont pas des « pur sang » vous savez ! Te rappelles-tu ? Tanis, la fois que tu m’avais fait monter… Voilà le moment des longues veillées, vous couchez-vous tard ? Je ris en pensant au Père Clavier qui ronflait comme un sapeur et nous empêchait quelques fois d’aller nous coucher. Vient-il encore ? Et le Père Cormerais ? Avez-vous un hiver très rigoureux ? Quand as-tu commencé à mettre ton « chauduret » Tanis, et ta petite tassette au lit. A moins que la bourgeoise ne te condamne à t’en passer !… Puisque paraît- il, elle commence à vouloir te faire marcher, droit… Pauvre de toi !… Allez-vous de temps en temps à la prière le soir ? Que devient tonton Édouard ? Te faut-il le soigner Drienne? Est-ce qu’il peut marcher ? Tonton Benjamin doit commencer à se faire vieux lui aussi. Ces dernières semaines nous avons eu le plaisir d’avoir pas mal de visites. Des Pères sont passés ils se sont arrêtés quelques jours chez nous. Le Père Moore directeur de l’Université et notre plus proche voisin est venu passer 15 jours ici avec ses 22 grands garçons. Il ne les accepte qu’après 15 ans, je veux parler de l’école de Mareau organisée depuis quelques mois, seulement dans le but de former pour plus tard de bons catéchistes. Ils sont de tous les coins du Vicariat mais ça s’entend quand même. Que donneront-t-il plus tard on ne sait, mais pour le moment ils sont très bien. Je les ai vu communier presque chaque matin. Notre église monte peu à peu, le clocher avec la croix domine maintenant notre maison, on l’a achevé, placé cette semaine, et alors on a monté le bouquet, et ça a été toute une petite fête, le Père a fait tuer une vache et un veau pour régaler tout le monde. Nous avons repris nos travaux ordinaire, classe couture, je n’ai encore fait que mettre le nez à la cuisine. C’est le domaine de Sœur Marie Antonia , Sœur Marie Brigitte et moi faisons l’infirmière chacune notre semaine. Nous avons toujours pas mal de clients. Nous n’allons pas soigner dans les villages. Lettre 12 : Ma chère Drienne, cher Tanis , je crois que je n’avais pas pu vous écrire au dernier courrier aussi , cette fois je commence par vous pourtant je crois que je vous écris plus souvent que le tour. Je n’ai pas eu de nouvelles depuis la lettre de Tanis du 10 juillet , mais j’espère qu’elles sont en route et qu’elles vont m’arriver mais encore par « via retard ». En effet il y a plus de quinze jours , le Père Podevigne (le Père de ma compagne: sœur Marie Odila s’est arrêté quelques jours chez nous , revenant de Tulage , et il me disait qu’en passant à Ruavatu on lui avait crié du rivage qu’il y avait des courriers pour nous et il ne s’est pas arrêté . Vous pensez si j’étais fâchée après lui . Et j’en ai fait un « ohhh » qui voulait en dire long. Il en a été si touché qu’il s’est mis à rire . C’est la faute de la mer a-t-il ajouté . J’aurais été content de vous les apporter, mais elle commençait à devenir mauvaise et j’avais peur en m’arrêtant de ne pouvoir ensuite continuer . Et voila j’attend encore car il n’y a pas eu d’occasion depuis . Vous voyez il faudrait savoir prendre les choses comme elles viennent et comme la patience doit être la vertu du missionnaire . Je m’y essaye non sans peine quelques fois , mais surtout je pense que vous êtes entre les mains de Dieu et qu’il est le maître des événements et des choses , aussi c’est a lui que je parles de vous chaque jour , mais surtout lorsque les lettres se font trop attendre, trop a mon gré. Et pourtant , le temps passe vite , les mois se succèdent ,et déjà nous approchons de Noël .il ne ressemble guère à notre frileux Noël de France , les enfants y pensent et parlent déjà de la crèche ..et nous exerçons les Cantiques de Noël à l’église , avec le Père , garçons et filles, j’y vais avec ma troupe et à la classe j’ai un vieil harmonium . Elles aiment chanter . Hier soir, je leur faisais la classe de catéchisme , j’avais pris le grand catéchisme en image , et leur montrait la sainte famille , l’enfant Jésus , le bœuf et l’âne , ensuite , la fuite en Égypte . Elles ouvraient de grands yeux , c’est a qui aurait approché le plus prêt …